Rencontre avec Alexandra Ansidei

Le parcours de la jeune comédienne Alexandra Ansidei, ex- danseuse, est parsemé de belles rencontres au cinéma mais aussi au théâtre, auprès de Nicolas Briançon ou Claude Rich. En ce début d’année 2011, elle revient sur les planches pour défendre Le Nombril, pièce testamentaire d’Anouilh, brillamment mise en scène par le regretté Michel Fagadau.


Parlons un peu de cette dernière pièce d’Anouilh qu’est Le Nombril, de sa spécificité…

Je pense que c’est avant tout une pièce testamentaire. Anouilh a réuni plusieurs thèmes de ses autres pièces (la vieillesse, la maladie, la famille, l’écriture théâtrale, les « nombrilistes », ces personnages de fâcheux, à la Molière) avec une véritable interrogation sur le statut de dramaturge. Le ton est mordant, l’écriture brillante.

Il y a aussi le prisme des années cinquante, dans cette pièce, écrite pourtant dans les années 80…

Beaucoup de pièces d’Anouilh sont en effet siglées « années cinquante ». Cela apporte, bien sûr, une réflexion intéressante sur l’époque, sur la place de la femme notamment. Avec une revendication à l’indépendance très marquée : ses personnages féminins veulent s’épanouir, vivre pleinement leur féminité. Mon personnage aussi, dans ce mouvement-là, aimerait se défaire de l’emprise de son amant et Pygmalion, Léon, metteur en scène et père de famille.

J’imagine aussi que derrière ce personnage de femme des années cinquante, qui plus est comédienne, il y a eu toute une recherche.

J’ai visionné des films des années cinquante, en effet, comme All about Eve de Mankiewicz, qui pour le coup est très spécifique par rapport à mon personnage, puisqu’il parle de deux comédiennes. J’ai vu aussi Le Comédien de Guitry, beaucoup de comédies musicales, Une étoile est née avec Judy Garland, tout récemment. Et c’est vrai que derrière ce thème-là de la jeune comédienne, il y a toujours un homme qui fait surgir le talent. Mais c’est vrai aussi que le costume très corseté et tous ses petits accessoires aide énormément à se sentir plus vite dans la peau du personnage. Dans cette élégance des années cinquante.

Comment avez-vous travaillé votre personnage avec Francis Perrin ?

Avec Francis Perrin, cela s’est fait tout naturellement. Michel Fagadau m’a fait d’abord énormément travailler le rôle de manière technique et Francis était là en vrai soutien. Il m’encourage, sans me donner d’indications, et je pense que ce rapport très complice s’est construit au fur et à mesure des répétitions, et se construit encore tous les soirs.

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« Au théâtre, je sens qu’il y a un vrai travail qui se construit dans la durée. »

Vous avez auparavant déjà donné la réplique à un grand monsieur du théâtre (Claude Rich, dans Le Diable Rouge) quelles sont les différences de collaboration entre ces deux comédiens ?

Claude Rich, c’était différent, forcément, parce que d’abord c’est un monsieur d’une autre génération. Il a imposé peut-être plus de choses au départ: au niveau de la mise en place, comment il voyait la scène. Même dans le rapport entre nous, conflictuel du fait de l’histoire: il jouait mon oncle Mazarin et je jouais Marie Mancini. Il a donc imposé plus de choses au début, et ensuite au fur et à mesure des représentations, les choses se sont petit à petit détendues.

47834Au sujet de la fameuse scène du monologue où votre personnage en nuisette se confie à son amant… endormi, comment l’avez vous travaillée ?

Je l’ai abordée de manière très technique au départ, parce qu’en effet, l’écriture d’Anouilh amène à un degré de jeu qui n’est pas du naturalisme. Il faut ainsi passer un cap pour se faire entendre.

Maintenant chaque soir, j’avoue que je le retravaille dans les loges, pour essayer de le fluidifier et « l’adresser ». Parce que toute la difficulté est là ! Ce n’est pas un monologue. Elle s’adresse vraiment à Léon et aussi au public. Il y a donc ce double prisme.

Et sur ce travail quotidien, j’essaie d’être la plus concrète possible, en accord avec ce que je ressens sur scène avec Francis et ses silences, avec le public. Ce qui fait que chaque soir la scène va être un peu différente.

Michel Fagadau nous a quittés récemment… Pouvez-vous nous parler de son engagement auprès des comédiens et du théâtre et notamment dans la préparation du Nombril ?

Je n’ai pas eu le chance de bien le connaître mais une chose est sûre, selon moi, c’est un des rares metteurs en scène qui a su donner sa chance aux jeunes comédiens. J’ai justement décroché ce rôle après lui avoir envoyé une lettre spontanée. Il m’a tout de suite répondu. C’était un homme très ouvert, très à l’écoute et c’est vrai que quand on revoit un petit peu sa vie, on découvre quelqu’un aussi qui a travaillé à l’étranger, en Angleterre notamment. Il a été comédien et a fait confiance aussi à de jeunes metteurs en scène, il à fait découvrir des auteurs anglo-saxons.

Petit flash-back pour conclure. Quelles étaient vos attentes quand vous avez débuté le métier de comédienne et comment ont-elles aujourd’hui évolué?

Quand j’ai arrêté la danse, j’avais dans l’idée, tout de suite, d’être comédienne. J’avais déjà pris des cours avec Jean-Laurent Cochet quand j’étais à l’Ecole de Danse de l’Opéra, avec cette envie de m’exprimer autrement que par le corps.

J’étais émerveillée par ce que je découvrais mais avec le temps, j’ai compris qu’il fallait beaucoup de patience, avoir confiance en son travail et persévérer.

Au théâtre, Nicolas Briançon a été le premier à me donner ma chance en 2005 avec Le Malade Imaginaire. Plus qu’au cinéma (à l’exception peut-être de rôles principaux), au théâtre, je sens qu’il y a un vrai travail qui se construit. Dans une durée (l’aventure du Diable Rouge, par exemple, a duré presque deux ans!). Cela me rassure pour l’avenir, dans le sens où je me connais mieux en tant que comédienne. Tout devient plus évident.

Entretien réalisé en février 2011. Un grand merci à Alexandra Ansidei.

Le Nombril

de Jean Anouilh

Mise en scène de Michel Fagadau assisté de Brigitte Villanueva

Avec Francis Perrin, Francine Bergé, Eric Laugerias, Davy Sardou, Jean-Paul Bordes, Christian Bouillette, Alexandra Ansidei, Sarah Grappin, Patrice Costa, Perrine Tourneux Décor Mathieu Lorry-Dupuy 

Costumes Pascale Bordet 

Lumières Laurent Béal 

Son Michel Winogradoff

Comédie des Champs-Elysées

Durée du spectacle : 2h10 sans entracte

Crédits photo Portrait d'Alexandra Ansidei: Eddy BRIERE.