Avignon 2012 : L’étrange petit microcosme…
Tout au long du festival, le quotidien recours au snobisme grammatical (mais pourtant dramaticalement correct) de la formulation « en Avignon » reflète assez bien l’esprit de ce grand rendez-vous du théâtre, entre purisme et passion, « In » et « Off ».
A peine foulé le sol de cette ville du sud de la France dédiée pour trois semaines au théâtre (mais aussi à l’écrasante chaleur), on est surpris par l’épuisante animation des rues.
En effet, toutes les rues de la ville sont envahies depuis déjà plus de quinze jours par une horde d’étranges créatures (un personnage tout droit issu de la commedia dell’arte cotoie des pénitents tout de noir vêtus, un groupe de comédiens perruqués en tenue acidulée, des joueurs de claquettes, etc). Il est midi, c’est l’heure où tous les comédiens du OFF s’affairent sous un soleil de plomb.
Il faut en effet tracter, attirer le badaud dans les salles, vendre son spectacle à tout prix. Problème, le nombre de spectacles proposés est chaque année de plus en plus vertigineux (plus de 1200 spectacles dans le OFF). Certains revêtent donc leurs plus beaux costumes, d’autres ont le courage de porter des panneaux d’affichages, façon hommes-sandwichs, au poids et à la taille gigantesques.
A Avignon donc, ou plutôt devrais-je dire, en Avignon, le meilleur et le pire se côtoient sans cesse. Nous en avons fait les frais avec la pièce MUSIC HALL où cette mise en scène de Lagarce était tout simplement ratée avec un jeu constamment premier degré, sans aucune aspérité.
Autre douloureuse expérience et plus préoccupante : celle de la mise en scène de La Mouette, d’Anton Tchekhov dans la somptueuse cour des Papes. Moment du IN très attendu avec une triple promesse, héla non tenue : celle du lieu mythique où la pièce se déroule, celle de l’auteur tant idôlatré par les vrais fans de théâtre, celle du casting qui s’annonçait si brillant (Dominique Reymond, Xavier Gallais, entre autres).
Nausyciel massacre Tchekhov en voulant à tout prix lui donner une lecture tragique : la nouvelle traduction du texte et la façon de déclamer assez ridicule des comédiens ralentissent complètement le rythme de l’ensemble, perdant ainsi tout son sens. 4H20 d’ennui dans un lieu qui ne cesse de se raffraîchir : c’est un vrai challenge que de rester ! Beaucoup n’auront pas ce courage !…
De belles trouvailles pourtant dans la marmite d’Avignon…
Mais à Avignon, il y a aussi de bien agréables surprises, comme celle de découvrir une brillante interprète, au service d’un texte exigeant. Il s’agit de Fane Desrues, la compagne du génial mime et comédien Julien Cottereau, qui la met ici en scène. Dans Le Monologue de la Femme rompue (de Simone de Beauvoir), elle interprète un personnage de femme meurtrie particulièrement saisissant. Son engagement est tel qu’au fil des représentations, l’émotion a toujours bien du mal à la quitter lors du salut final.
Autre bonne surprise de cette cuvée 2012, la comédie Hitch qui imagine la rencontre de deux ténors du cinéma mondial, Hitchcock et Truffaut autour d’une terrible histoire de meurtre. Et entre les deux hommes, il y a Alma Hitchcock, la femme du maître, qui se régale de ce jeu de chat et de souris. Tous les amateurs de cinéma en auront pour leurs frais mais y compris les amateurs de polars et de comédie, tant l’intrigue et les dialogues ciselés, ainsi que l’interprétation réjouissante sont ici au rendez-vous.
Enfin, nous retiendrons également, dans ce même théâtre du Balcon, un autre moment délicieux. Il s’agit de Sarah et le cri de la Langouste, une comédie drôle et nostalgique, particulièrement créative, autour du personnage de Sarah Bernhardt. La vraie trouvaille comique est de mettre en scène ce monstre sacré du théâtre assoiffé de jeu mais épuisé et réduit à supplier son assistant de lui rejouer (probablement pour la millième fois) les grands personnages qui ont marqué sa vie.
Enfin, pour avoir côtoyé certains comédiens, les avoir vu jouer chaque soir et tracter tous les jours par une chaleur écrasante, on ne peut qu’en rester impressionné. Leur engagement à servir le théâtre, coûte que coûte, est d’autant plus fort et louable que l’argument financier est bien souvent lointain. En cette fin de festival, la fatigue les étreint au même titre que la nostalgie déjà présente de quitter cette bouillonnante aventure…
Votre dévouée reporter, en direct d’Avignon.
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