Elle le revendique d’entrée de jeu dans ce charmant restaurant italien qui fait face aux Bouffes Parisiens. Elle y tient actuellement le haut de l’affiche de La Veuve Rusée de Goldoni aux côtés d’une troupe éblouissante. Et chaque soir, c’est un beau succès.

Si cela ne fait que trois ans que Caterina Murino foule les planches françaises, sa vie de comédienne de théâtre a débuté en Italie dès le début des années 2000. « Le théâtre, pour moi, a été et restera mon plus grand amour. »

Elle s’est commandé un thé tandis que j’ose le café italien d’après 17h…

« Je me destinais à devenir médecin et j’avais échoué à deux reprises au concours de première année. Après un prix de beauté remporté, une agence de mannequinat m’avait repérée et je suis partie. J’ai dit à mes parents que si dans un mois, ça ne marchait pas, je rentrerai et passerai à autre chose. Mais depuis octobre 1997, cela n’a pas été le cas…» (Rires).

Premiers pas au théâtre

Son agent de mannequinat lui recommande une troupe de théâtre à Milan, le Gruppo Teatro Rare Tracce de Danilo Ghezzi, où se former. Elle reçoit des cours de diction et rêve d’intégrer l’école de théâtre Il Piccolo Teatro di Milano de Giorgio Strehler.

Mais cette formation très exigeante de trois ans l’empêche de gagner sa vie en même temps. Quand elle décroche un gros contrat de mannequin pour des produits de beauté, pour des raisons d’exclusivité, elle ne peut postuler à l’école et intègre la troupe de Danilo où elle joue en 1999 dans le classique d’Agatha Christie, Les 10 Petits nègres, (rebaptisé récemment en français Ils étaient dix).

« J’ai joué pour Danilo dans quatre pièces et intégré par la suite, la prestigieuse école de l’Actor’ Studio à Rome. J’y ai suivi les trois ans de formation mais lors de la troisième année, je travaillais déjà en parallèle. » Elle ajoute, soudain sérieuse. « Mais pour préparer les rôles je retournais à l’école !

Mon premier film a été Le ragazze di Miss Italia de Dino Risi, son dernier film à lui. »

Trois ans plus tard, elle tente sa chance à Paris sur le casting d’un film sur Dalida mais échoue. Elle est toutefois repérée par Christian Clavier qui a le même agent qu’elle et démarre donc sa carrière en France, apprenant le français en quatre mois pour L’Enquête corse.

Caterina Murino et Daniel Craig, Casino Royal, 2006 – Copyright Gaumont Columbia Tristar Films

« Bond, James Bond ! »

Elle décroche en 2006 le rôle de James Bond girl dans Casino Royale, aux côtés de Daniel Craig dans des conditions mémorables.« J’ai vécu pour ce film un casting particulier parce que pour un autre film, je montais à cheval et j’ai eu un accident la veille de le passer.

Donc j’y suis allée complètement paralysée. Je ne bougeais que les yeux. (Rires). Poussée par ma mère, je n’ai pas annulé et elle m’a accompagnée pour le passer. Je ne sais pas ce qui s’est passé. J’avais hyper mal, en baskets, pas vraiment la James Bond girl idéale mais en en sortant, ils m’ont demandé : « Caterina, savez-vous monter à cheval ? ». Je leur ai répondu qu’en l’état, cela n’était pas flagrant. Et un mois après, je repassais un call back à Londres.

Quand on lui demande ce qu’elle garde comme souvenir de ce tournage, elle nous répond, songeuse. « Je m’aperçois, en fait, que je suis toujours un peu inconsciente quand je fais un film. Et pour celui-là, j’ai réalisé bien des années après, l’importance d’avoir tourné dans ce film mémorable de l’Histoire du Cinéma : autant parce que c’est un très bon James Bond, que le premier de Daniel Craig, un immense comédien de théâtre, comme Judi Dench*. Mais pour moi, quand je l’ai tourné, c’était un film comme les autres avec, bien sûr, d’immenses moyens. Elle ajoute, en souriant. Un beau souvenir que ce film avec toute l’humanité que je recherche dans le travail, sinon ça ne m’intéresse pas. »

La Veuve Rusée, Caterina Murino et Sarah Biasini, Photo de Beatrice Livet, Bouffes Parisiens, 2024.

La Veuve Rusée : un partenariat franco-italien audacieux

Grande bosseuse devant l’éternel, Caterina Murino enchaîne les rôles au cinéma, à la télévision et au théâtre.

En Italie, elle nous confie que la situation du théâtre italien actuellement est critique. Beaucoup de théâtres historiques ferment. Pour des raisons économiques, les pièces sont jouées à peine quinze jours dans les grands théâtres qui les produisent puis partent en tournée. La comédienne a ainsi, à maintes reprises, parcouru l’Italie et tous ses charmants théâtres les plus reculés.

Dans La Veuve Rusée de Goldoni, Caterina Murino incarne Rosaura, une jeune, belle et riche veuve vénitienne qui rencontre quatre prétendants de nationalités différentes : Milord Runebif, l’anglais (Thierry Harcourt) ; Monsieur Le Blau, le français (Vincent Desagnat); Don Alvaro de Castille, l’espagnol (Vincent Deniard) ; et le comte Bosco Nero, l’italien (Pierre Rochefort). Chacun d’entre eux la courtise, par l’intermédiaire de l’espiègle Arlequin (Tom Leeb). Mais Rosaura est indécise. Aidée de sa dame de compagnie Marionnette (Sarah Biasini), elle réfléchit à un stratagème pour faire son choix.

« La Veuve Rusée est une pièce de Goldoni très connue en Italie », souligne  Caterina Murino. Depuis longtemps Richard Caillat, le producteur et directeur actuel du Théâtre des Bouffes parisiens, rêvait de faire jouer une comédie de Goldoni. La comédienne propose alors le metteur en scène Giancarlo Marinelli, avec qui elle a travaillé de nombreuses fois et qui est lui-même originaire d’Este, un village à côté de Venise. « Passionné de Goldoni, il possédait une culture vénitienne théâtrale idéale pour la pièce. Il a donc lui-même proposé de monter deux pièces de Goldoni à Richard : L’Eventail (qui était une pièce encore plus chorale) et La Veuve Rusée que ce dernier a finalement choisie.».

Cette pièce ambitieuse, nécessitant un budget important, Caterina Murino suggère alors de faire comme à la grande époque du cinéma franco-italien, une co-production avec l’Italie et notamment avec le mythique Théâtre Quirino de Rome, dont le directeur et coproducteur de la pièce, Rosario Coppolino, est un ami.

L’occasion rêvée de faire jouer une troupe conséquente et de produire des costumes avec tout le savoir-faire artisanal vénitien, en se partageant les frais. Créée à Paris, la pièce sera jouée à Rome et en tournée, un an en France et un an en Italie. « Je vais en bouffer de La Veuve Rusée ! », plaisante la comédienne qui le jouera et français et en italien jusqu’en juin 2026.

La Veuve Rusée, Vincent Desagnat, Vincent Deniard, Pierre Rochefort, Thierry Harcourt et Tom Leeb, Photo de Béatrice Livet, Bouffes Parisiens, 2024

« Tout Venise dans cette pièce ! »

Metteur en scène très connu en Italie, Giancarlo Marinelli a dû pour l’occasion quitter sa zone de confort et venir travailler en France pour la première fois. Il a ainsi appris le français en un temps record, forçant l’admiration de toute la troupe. « Il voulait absolument être capable de communiquer au mieux avec les comédiens et quand il est arrivé le premier jour à la lecture de la pièce, il a commencé par un discours historique sur Goldoni en français qui, par sa passion, sa clarté et son enthousiasme a tout de suite emballé les comédiens.  Je pense que ce discours a conquis leurs cœurs. »

Avec son équipe franco-italienne, Giancarlo Marinelli a ainsi cherché à exploiter pour cette comédie toute la sève artistique propre à la culture vénitienne. Jusqu’aux costumes. Grâce au travail expert et passionné de l’atelier vénitien de Stefano Nicolao**

« Avec ce spectacle, notre envie véritable était de vous convier au Carnaval de Venise, celui de 1748, dans toute sa beauté et son érotisme, celui de Goldoni et de Casanova… »

Selon le choix de Stefano et Giancarlo, les costumes par leur couleur et leur délicatesse ont été directement inspirés des verres de Murano.

« Comme ces figurines en cristal, nous les comédiens, avons été façonnés pour incarner nos personnages, dans tout leur éclat et leur fragilité. Grâce à Giancarlo et son équipe, on a tout Venise dans cette pièce ! », conclut la comédienne, les yeux encore brillants d’enthousiasme.

*de la prestigieuse Royal Shakespeare Company, avec Kenneth Branagh.

**Il est le chef costumier, entre autres, au cinéma, du somptueux Farinelli.

PS : On retrouvera prochainement l’actrice dans :

-la deuxième saison de la série Escort Boys dont elle est en train de finir le tournage.

-le film The Opera de Davide Livermore, Paolo Gep Cucco avec Vincent Cassel, Fanny Ardant, Rossi de Palma

-un film pour Amazon – Gaumont : Noël sans père.

Et bien sûr, en tournée avec la pièce de Michel Fau, Piège pour un seul homme et celle de La Veuve Rusée.

La Veuve Rusée

De Carlo Goldoni

Adaptation et mise en scène : Giancarlo Marinelli
Avec : Caterina Murino, Sarah Biasini, Vincent Deniard, Vincent Desagnat, Thierry Harcourt, Tom Leeb , Pierre Rochefort, et l’amicale participation vocale de Jean Reno.
Co-production franco-italienne : Teatro Quirino Roma, Compagnia Moliere
Projections-vidéo : Francesco Lopergolo
Scénographie : Fabiana Di Marco
Costumes : Atelier vénitien de Stefano Nicolao
Lumières : Didier Brun
Traduction : Valerio Zaina
Assistante mise en scène : Aline Gaillot

 Théâtre des Bouffes parisiens

https://www.bouffesparisiens.com/

Dernière le 24 novembre 2024 !