Critique cinéma: La Belle et la Bête de Christophe Gans
J’avoue que la bande-annonce du nouveau film de Christophe Gans, La Belle et la Bête m’avait fortement agacée en prenant le parti de raconter tout le film de façon condensée. J’avais donc un peu pris sur moi pour pénétrer dans une salle obscure de cinéma. Toutefois, je ne l’ai pas regretté car ce qui s’apparentait à un devoir de cinéphile (Jean Cocteau et Vincent Cassel y étant pour beaucoup) s’est transformé en un véritable plaisir mâtiné même de fascination…
Une fascination plurielle. D’abord du point de vue de la narration et de cette forme de retour aux sources du conte de Perrault, à des années-lumière de la version de Disney ou de celle de Cocteau (bien qu’il y subsiste toutefois de nombreuses scène oniriques, hommages au célèbre poète) : les personnages sont écrits de façon plus détaillée et réaliste avec une dimension émotionnelle forte qui nous les rendent d’emblée plus accessibles aussi.
Christophe Gans met en place un récit dramatique dense où chaque scène, chaque réplique a son importance. Contrairement au Pacte des Loups dont l’esthétisme m’avait toutefois vivement interpellée à l’époque, le réalisateur ne recherche plus seulement l’effet.
Il utilise toute sa technique, son expérience et son exigence au service de l’histoire qu’il va conter avec tout le sérieux et l’attention que l’on offre à un jeune enfant à qui l’on raconte une histoire avant de se coucher. Telle est aussi la façon dont Gans ouvre et clôture son fascinant conte.
Un conte qui ne s’adresse pas qu’aux enfants, loin s’en faut. Car la dimension sexuelle dans cette nouvelle adaptation est très marquée. On a évoqué précédemment l’importance de l’onirisme, rejoignant alors l’univers de Jean Cocteau. Christophe Gans met en scène en effet de façon très ingénieuse, les songes de Belle, où, attirée inexorablement par un immense miroir, elle découvre progressivement la véritable personnalité de la Bête, en même temps que son désir pour ce prince déchu.
Les personnages secondaires ont aussi leur importance. Comme le personnage du père, interprété par André Dussollier dont la justesse de jeu n’est plus à démontrer. Entre le père et la fille, l’amour est si prégnant que le sublime geste de sacrifice que Belle choisit de réaliser pour épargner la vie de son père, n’en paraît que plus naturel.
On est heureux aussi de retrouver un comédien charismatique comme Eduardo Noriega dans le rôle de l’infâme Perducas et qui nous régale toujours dans son interprétation du méchant ; ou bien les pétillantes Sara Giraudeau et Audrey Lamy, dans le rôle des sœurs un peu trop futiles.
Mais c’est enfin et surtout la création de cet univers de conte, le travail de la lumière, l’accompagnement sonore et musical, la force du montage, la maîtrise de ces effets-spéciaux au service du récit, la magnificence des costumes (je milite à présent pour porter les robes de Belle même et surtout dans le métro !) qui achèvent de nous conquérir.
Finement écrit et mis en scène, La Belle et la Bête de Christophe Gans est un réel bijou de cinéma, un enchantement pour le spectateur sensible à l’élégance, le romantisme et la poésie que le conte de Perrault laissait entrevoir…
La Belle et la Bête (2014) De Christophe Gans Avec Vincent Cassel, Léa Seydoux, André Dussollier, Sara Giraudeau, Audrey Lamy, Eduardo Noriega…