Critique cinéma: Metro Manila, le film-uppercut
Cinq ans que Sean Ellis (Cashback, The Broken), ce brillant réalisateur issu de la photographie n’avait pas filmé et écrit pour le cinéma. Avec la virtuosité technique et artistique qui se dégage de son nouveau film Metro Manila, on comprend qu’il ait fallu du temps pour monter et exécuter cette histoire, une fois de plus, écrite, produite et réalisée par Sean Ellis.
Metro Manila raconte le sort d’une famille philippine, qui hélas, comme des milliers d’autres dans ce pays, connaît une vie autant misérable qu’humiliante chaque jour. Oscar Ramirez, père de famille et mari attentionné, décidé à faire sortir sa famille de la pauvreté, quitte les montagnes du Nord où il était fermier et emmène les siens à Manille, où tous les espoirs sont permis…
Mais arrivés dans cette ville gigantesque et tentaculaire, Oscar et sa famille se retrouvent complètement démunis, sans ressources après qu’on leur ait extorqué les derniers sous qui leur restait. Oscar parvient à se faire embaucher comme convoyeur de fonds tandis que sa femme n’a pas d’autre choix que de se prostituer…
Metro Manila, c’est typiquement la perle de cinéma qu’on attendait plus, ce « film-uppercut » qui va bien au-delà du simple drame ou d’une bien pensante démarche documentaire.
Le cinéma, cet art puissant
Il y a dans ce film un véritable propos, toujours fidèle à la philosophie de vie des Philipins, à savoir ce sens jusqueboutiste et impressionnant du sacrifice au nom de la famille.
L’âme philippine est totalement vouée à la religion et au (dés)espoir. Une spectatrice philippine présente dans la salle nous dit en sortant du film : « Sean Ellis aurait pu être philippin tant il a si bien capté cette souffrance et ce recours quasi constant au sacrifice. La vie à Manille est un véritable enfer et les gens « qui réussissent » sont ceux qui on pu quitter le pays. »
L’écriture psychologique de cette famille est particulièrement saisissante car malgré la misère et le sordide toujours de plus en plus envahissants, l’union et l’amour que cette famille se voue mutuellement en ressort de façon tout aussi bouleversante.
Dans la façon de filmer, au service de l’histoire, il y a cette forme de néo-réalisme très puissante (caméra au poing) alliée à un onirisme visuel et sensoriel (un ingrédient cinématographique cher au réalisateur) qui font de ce film un moment de cinéma à la fois d’une stupéfiante modernité et d’un classicisme esthétique rare.
Il faut dire enfin que Sean Ellis est avant tout un conteur : il sait raconter une histoire, la construire pas à pas, avec ses moments d’émotion pure mais aussi son humour. Le suspense est également un ingrédient important dans ce film dont la violence mise en scène n’est jamais gratuite.
Impossible de ne pas ressortir chamboulé de ce « film-uppercut » qui nous a maintenu tout le long subjugué par la beauté de ses images et la force de son histoire, dans une tension dramatique constante et qui nous fait réaliser que le cinéma peut parfois devenir un art d’une rare puissance.
Metro Manila de Sean Ellis, sortie au cinéma le 17 juillet 2013.