Critique du roman Brioche
Délicieuse pâtisserie littéraire que celle que nous propose Caroline Vié, critique et journaliste de cinéma, avec son premier roman, Brioche. Son héroïne est critique de cinéma (tiens, tiens!) et a jeté son dévolu sur un acteur de cinéma, une vedette, qu’elle interviewe régulièrement. Entre les coulisses des junkets et la folie inquiétante de la narratrice, on passe un sacré bon moment de lecture. Les pages se tournant quasi toutes seules…
Comme une toile d’araignée, tour à tour joyeuse et inquiétante, Caroline Vié tisse son roman d’observations acérées sur son métier tout en créant un personnage principal assez insolite : une mère de famille et épouse fidèle, journaliste de cinéma, qui tombe amoureuse comme une ado d’un acteur de cinéma, au demeurant peu séduisant.
Sorte de double dangereusement psychopathe de l’auteure, cette héroïne reste tout le long du récit particulièrement attachante. C’est l’un des tours de force psychologique de ce texte. L’humour virulent que l’héroïne porte sur son métier comme sur sa famille ou sur elle-même est sans concessions.
Rien à redire également côté construction du récit, car les morceaux du puzzle peu à peu se reforment autour de cette intrigante personnalité qui a pris ici la parole (le texte est écrit quasi sous la forme d’une longue lettre). Les première pages sèment le doute sur l’identité du destinataire et c’est tant mieux !
Un regard mordant sur l’univers du cinéma
Les press junket à l’américaine ou à la française, les attachées de presse pimbêches, les stars mondiales qui n’ont rien à dire, les séducteurs pathétiques, tout passe à la moulinette de Caroline Vié comme a pu en faire les frais le pauvre Jude Law : « Jude Law m’a d’avantage marquée tant son teint blafard, sa calvitie naissante et son décolleté velu me rappelaient un salsifis oubliés au réfrigérateur. »
Ecrire sur des personnalités souvent fades malgré leur indéniable cinégénie est la croix que porte quotidiennement l’héroïne de Brioche. Ainsi, elle écrit, à propos de son entretien avec Bradley Cooper : « Outre le fait que son accent à couper à la scie circulaire est difficilement transposable à l’écrit, la médiocrité de ses propos ne me semble pas s’expliquer uniquement par sa maîtrise approximative de notre beau langage. »
Caroline Vié s’amuse entre autres de cet univers de fans de ciné et autres journaleux dont la cinéphilie est aussi affaire de chasteté: « Mes camarades vénéraient le cinéma de genre avec une dévotion imbécile qui excluait toute forme d’humour. On aurait pu les comparer à des moines laïcs, si ce n’est que leur chasteté n’était pas affaire de choix. »
En bref, Brioche est un vrai petit délice de lecture, tant l’écriture psychologique, la construction du roman et le propos décalé et pertinent sur le cinéma sont au petits oignons.
Brioche,
de Caroline Vié
Editions JC Lattès
Prix 17€
Isabelle
Bravo pour cette critique très juste ! J’ai adoré ce livre.