Critique théâtre: Gustave
Depuis le 25 novembre dernier, au théâtre de l’Atelier, Jacques Weber se confronte chaque soir à un personnage qu’on dirait comme taillé sur mesure pour lui. Il s’agit du grand Gustave Flaubert, dont nous gardons souvent une sotte image de l’enfance, le représentant sous la forme d’un livre poussiéreux que le maître d’école nous ordonnait d’ouvrir. Or Flaubert, c’est justement tout le contraire. C’est une écriture bouillonnante, totalement d’actualité, fluide, moderne. Jacques Weber transmet tout cela avec une superbe générosité sur le plateau…
Parlons de ce plateau, justement. Il est beau parce que dépouillé, orné d’un vague lit, de matelas, de couvertures, d’une table et c’est tout. C’est un lieu un peu indéfinissable que nous propose Gustave mais n’est-ce pas symboliquement le décor-même de l’intimité de l’écrivain qui nous est ici proposé ?
Dans ce décor tout simple justement, l’écoute du texte en est facilitée. Il faut dire ici que le fond et la forme sont avant tout de qualité.
Sur le fond, en effet, c’est toute la richesse et la vivacité de l’écriture de Flaubert qui se révèlent à partir d’un travail très intelligent d’adaptation de textes issus de la correspondance de Flaubert.
Ce dernier tempête contre les bourgeois de son époque, le conformisme et la convention sociale, la médiocrité des poètes et auteurs de ce XIXème siècle en plein bouleversement politique et économique. Flaubert, de son potager normand sous l’orage, fustige le parisianisme, vomit les institutions.
C’est également un homme blessé par une récente rupture sentimentale, qui se réfugie dans la boisson comme dans l’ironie, n’excluant pas des instants de joie et de rires aussi.
La rencontre de deux artistes d’exception
Ainsi, Jacques Weber s’empare à la fois d’un texte brillant et d’un personnage d’une rare richesse psychologique. Il y apporte tout son charisme, dans sa propre exploration, dans les détails, de la saveur du texte. Au service de ce grand artiste de la littérature française, Jacques Weber en souligne toute la complexité et en même temps toute sa fragilité.
Peut-être parce que les interrogations de Flaubert sur son époque ont réellement touché Weber, on sent chez ce dernier une passion bouillonnante pour son personnage et son discours à délivrer, comme une envie chaque soir de tout donner.
Il faut rappeler aussi que, c’est un peu au débotté, que Jacques Weber a repris cette pièce (créée il y a plusieurs années) : le travail de comédien (autant dans ce travail d’orfèvre du mot et de l’émotion, que dans celui prodigieux de la mémoire) est ici à saluer.
Avec Flaubert par Weber, deux artistes d’exception se rencontrent chaque soir au théâtre de l’Atelier. Incontournable.
Gustave De Arnaud Bédouet, librement inspiré de la correspondance de Gustave Flaubert Avec Jacques Weber Du mardi au samedi à 20h30 – matinée le dimanche à 15h30. Théâtre de l’Atelier 1, place Charles Dullin 75018 Paris Loc: 01 46 06 49 24 www.theatre-atelier.com