Critique théâtre : L’Intrus ou le talent du diable

Diable de Claude Rich ! Après avoir incarné sur les planches Mazarin, le « Diable rouge », avec le succès retentissant que l’on connaît, l’insatiable comédien nous entraîne cette fois-ci avec L’Intrus dans une savoureuse réécriture du mythe de Faust. Fidèle dans ses choix de rôles- challenges comme dans ses collaborations avec le metteur en scène Christophe Lidon et l’auteur Antoine Rault (Le Diable Rouge), Claude Rich compose ici un personnage contemporain saisissant, tant le jeu et la sincérité du comédien semblent ici constamment se confondre.

Henri (Claude Rich), savant mondialement reconnu, a consacré toute sa vie à l’étude des mécanismes du cerveau humain. Avec sa fille (Delphine Rich), Henri mène une fin de vie guère réjouissante. Aussi, quand il découvre, une nuit dans sa chambre, la présence d’un inquiétant jeune homme (Nicolas Vaude) lui proposant un pacte bien surprenant, Henri croit devenir fou…

La subtilité de cette revisitation de Faust, ici, sur le plateau de la Comédie des Champs-Elysées, tient au fait que le spectateur se retrouve immédiatement plongé dans le cerveau bouillonnant du héros malmené. On s’amuse du décalage constant entre ce que ressent le héros et ce que voit son entourage proche.

Claude Rich virevolte sur scène. Ses incessantes crises d’angoisse et autres questionnements existentiels sans réponses sont exacerbés par la présence électrique de ce curieux intrus (Nicolas Vaude, félin !) qui bondit de sa cachette ou disparaît de façon tout aussi mystérieuse.

Nicolas Vaude compose un personnage aussi sombre que sardonique, assez proche de ce personnage de Méphisto campé par Gérard Philippe au cinéma. Figure charismatique qui goûte aussi à l’incarnation humaine, la prestation de Nicolas Vaude est à la hauteur de son célèbre interlocuteur.


Le perfectionnisme faustien de Claude Rich

C’est dans un décor proche du Diable Rouge et des pièces de Cocteau (la présence des panneaux de miroirs offrait déjà au spectateur une vision du spectacle élargie voire allégorique) que Christophe Lidon a cherché à mettre en scène la déchéance intellectuelle et physique de ce savant de génie. Ce dernier expérimente, en effet, devant nous, dans cet affrontement avec le diable, des instants de vie fulgurants, constamment mêlés d’émotion et de rire.

Claude Rich impressionne ici non pas pour son sens milimétré de la comédie mais bien parce que son personnage semble faire constamment écho avec son propre questionnement d’homme et de comédien. Il s’approprie l’angoisse existentielle teintée d’ironie de son personnage avec une telle énergie, une telle rage que l’on est surpris, à sa sortie de loge, de le voir douter encore de la réussite de son travail.

Il faut y voir un perfectionnisme faustien : cet engagement à la scène l’est aussi à la ville (le texte ne quitte jamais les bras du comédien). Il faut constamment réinventer le personnage. La leçon est aussi belle que la lueur de plaisir décelée dans le regard de Claude Rich à la fin de cette représentation…



L’INTRUS

Jusqu’au 31 décembre 2011

D’Antoine Rault
Mise en scène Christophe Lidon
Avec Claude Rich, Nicolas Vaude, Jean-Claude Bouillon, Delphine Rich, Chloé Berthier

Assistant mise en scène Sophie Gubri
Musiques Michel Winogradoff
Créateur lumières Marie-Hélène Pinon Costumes Claire Belloc
Décorateur Catherine Bluwal

 

Comédie des Champs-Elysées

Du mardi au samedi 21h
Dimanche 16h30