Délicieux, Sacha Guitry l’a toujours été en matière d’écriture, d’humour et d’élégance. Dans cette pièce méconnue, La Pèlerine écossaise, jouée actuellement au théâtre Daunou, la mise en scène truculente et résolument moderne de Pierre Laville nous fait clairement oublier que cette pièce célèbre cette année ses 100 ans…

C’est en effet de nos jours, dans l’intérieur très moderne d’une villégiature bretonne avec vue sur la mer que l’intrigue de Sacha Guitry se déroule, rendant parfois un peu plus piquants les détails anachroniques comme les dépêches, télégrammes à poster ou débusquer avant le destinataire, les journaux reçus par courrier avec un jour de retard et même l’allusion à ce bon vieux Flaubert que l’un des personnages prétend avoir côtoyé (!).

A l’heure des réseaux sociaux, gageons que Sacha Guitry aurait eu la même réaction, fuir, fuir face à cette actualité et cette communication moderne trop brutalement assenée.

Il est bien question en effet, ici, de refuge. Le couple principal, formé par Philippe et Françoise a décidé de vivre plusieurs mois retiré dans ce village breton perdu, dans une intimité qui leur permet une rare liberté vestimentaire. Mais n’est-ce pas celle annonciatrice des vieux couples ?

C’est ainsi que leur tranquillité faussement revendiquée va être rapidement sabotée par l’arrivée de convives et de voisins pour le moins gênants…

Une écriture toujours pétillante et actuelle

Dans La Pèlerine écossaise, on retrouve tout ce qui fait la saveur des comédies de Guitry : de l’humour, de l’insolence et un propos sur le couple toujours libre et revigorant.

Le jeu très subtil et rythmé des comédiens permet de transmettre toute l’ironie brillante et la structure efficace et lapidaire des dialogues. Il faut saluer ici tout le charisme et le talent de ce couple principal formé par Delphine Depardieu et Arnaud Denis qui savent, derrière le vernis élégant et le détachement ironique affiché à la boutonnière, laisser entrevoir les fêlures plus profondes de leur couple.

Le personnage de Philippe, sorte de double de l’auteur (bien qu’ici sa profession soit celle d’un architecte !), incarné lors de sa création par Sacha Guitry lui-même, est repris ici par Arnaud Denis avec beaucoup de justesse et de présence, parvenant aisément à révéler toute la saveur des dialogues, l’élégance et la liberté revendiquée par son personnage.

Derrière cette langue brillante et fluide, on découvre aussi les préoccupations secrètes de Guitry par rapport à son couple (rappelons que cet « expert du mariage au théâtre », s’est marié cinq fois à la ville !), à savoir l’infidélité dont on se croit à l’abri et les sacrés dangers du quotidien au sein du couple.

La Pèlerine écossaise, c’est aussi ce sens de la chute cher à Guitry et que nous tairons ici car il faut de ce pas vous rendre au théâtre Daunou pour savourer cette écriture pétillante et résolument actuelle. A bon entendeur…