Critique théâtre: L’Avare
Dans la maison d’Harpagon, ancrée dans notre époque, le personnage central, incarné par l’éblouissant Jacques Weber est la pièce-maîtresse du jeu qui bloque tout. Il n’y a pas de vie familiale, pas d’épanouissement social possible face à ce champion « toutes catégories » de l’individualisme. Entre drame familial et farce sociale, la mise en scène fort réaliste de Jean-Louis Martinelli fait ressortir tous les véritables enjeux psychologiques de cette intrigue. Passionnant.
Au fond, pour bien comprendre tous les rouages de L’Avare, il faut comme l’a très bien fait ici Jean-Louis Martinelli, dénouer tous les fils du canevas. Molière est un roi de l’intrigue comme un roi de la psychologie et l’on est surpris ainsi de voir cet Avare sous un autre jour.
C’est un personnage profondément monstrueux dans son obsession de tout garder pour lui. Monstrueux, on le voit en effet à l’œuvre, auprès de sa famille, de la société et de ses domestiques. Il essaie vis-à-vis de chacune de ces catégories de les plier à sa profonde avarice.
Un avare monstrueusement pathétique.
Jacques Weber joue avec force cet aspect du personnage (les premières scènes le rendent même saisissant) mais Harpagon est aussi pathétique et finalement complètement dépassé par les événements. C’est un personnage qui face à son propre vice, finit par s’épuiser lui-même. C’est une composition ici toute en nuance qui nous est proposée.
On savoure d’autant plus les célèbres scènes de « la cassette », ses tractations rocambolesques avec la rouée Frosine (géniale Christine Citti). L’entourage d’Harpagon a pris le parti depuis longtemps de rire de ce dernier malgré les atrocités quotidiennes subies.
« Je me presse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer », écrivait Beaumarchais. Au fond, chez Molière, drame et comédie sont intimement liés et c’est ce qui rend ce texte et cette relecture de Martinelli aussi savoureux.
Ancré dans un présent très identifiable, cet Avare nous effraie autant qu’il nous fait rire. Une mise en scène de haute volée avec un beau travail de troupe autour d’un Jacques Weber au top. A voir de toute urgence…
L’Avare de Molière Mise en scène de Jean-Louis Martinelli Avec Jacques Weber, Christine Citti, Rémi Bichet, Sophie Rodrigues, Alban Guyon, Jacques Verzier (en alternance avec Gilles Vajou), Vincent Debost, Marion Harlez Citti, Paul Minthe, Azize Kabouche Au Théâtre Déjazet 41, bd du Temple 75003 Paris www.dejazet.com Réservation: 01.48.87.52.55 Crédits photo: Droits réservés.