Critique théâtre: Même pas vrai !
La famille n’a jamais été autant au cœur des préoccupations de notre société et c’est toute l’ingéniosité de cette pièce que de s’approprier cette thématique (pourtant maintes fois explorée) en la faisant voler en éclats. A travers le prisme du mensonge qui est devenu le langage courant de cette famille, petit à petit les repères s’effritent, laissant s’infiltrer le burlesque, l’incongru et l’humour féroce.
Mathilde (pétillante Raphaëline Goupilleau) n’est pas une affabulatrice, non, ni vraiment une mythomane. Elle aime simplement mettre du piment dans sa vie. Un peu trop peut-être, comme dans sa cuisine qu’elle ne réussit, hélas, guère. Bref, quand Mathilde raconte un petit événement banal de la vie quotidienne, cela prend tout de suite des proportions dantesques qui amusent son auditoire habitué, composé de son mari chirurgien Arnaud (impeccable Bruno Madinier), de leur fils Michael (probablement plus mature que ses deux parents réunis), et de leurs meilleurs amis respectifs (incarnés par Christophe Guybet et Valérie Zaccomer).
Le point de départ de cette comédie est donc de montrer que cette famille d’emblée sympathique bien que déconcertante, a atteint le seuil limite en se mentant régulièrement depuis beaucoup trop longtemps. Après nous avoir montré combien toute cette joyeuse équipe se retrouve pour pratiquer un de ses passe-temps favoris (à savoir, se débarrasser lors d’un dîner concocté par Mathilde de la nouvelle conquête du meilleur ami du couple, Anne Bouvier, drôlissime !), la crise éclate.
Un comique au cordeau
Jeunes auteurs ayant déjà écrit de concert pour la télévision ou apporter leur patte plus récemment au spectacle Miss Carpenter porté par la pétulante Marianne James, Nicolas Poiret et Sébastien Blanc signent ici une première pièce particulièrement réussie.
Les répliques fusent, ciselées, drôles, décapantes. Il y a pourtant derrière ce joyeux désordre, des interrogations souterraines sur ce qui constitue le noyau familial, sur l’amitié, l’émancipation, la rupture, sur cette communication qui est devenue impossible et donc blessante pour chacun, à force de vouloir toujours tout pimenter et rire de tout. Les parents, pour notre plus grande joie, se comportent ici comme des adolescents ; « l’enfant » quant à lui, a surtout bien grandi (et il n’y a que ses parents pour ne pas s’en apercevoir !). L’humour mêlant férocité et incongruité rappelle souvent l’excellent Arsenic et vieilles dentelles (film de Franck Capra adapté d’une pièce de théâtre) même si les cadavres ne sont pas à découvrir dans la cave!…
Côté mise en scène, Jean-Luc Revol, toujours éclectique dans ses choix de pièces, insuffle une véritable énergie qui permet aux décors de se mouvoir selon le rythme au cordeau que le comique ici nécessite.
Les comédiens suivent cette partition à la note près, dans ce tourbillon comique qui exige une précision de jeu millimétrée. Ils sont bluffants, nous font rire en permanence, campant chacun un personnage dont l’univers comique est distinct et qui au contact des autres, vole en éclats.
Pour de vrai, on vous le dit, cette comédie féroce est à déguster sur le champ !
Même pas vrai !
De : Nicolas Poiret et Sébastien Blanc
Mise en scène : Jean-Luc Revol
Avec : Anne Bouvier, Bruno Madinier, Christophe Guybet, Raphaëline Goupilleau, Thomas Maurion, Valérie Zaccomer
Décors : Stéfanie Jarre
Du Mardi au Samedi 20h30 et matinées samedi 17h
Pour réserver : http://theatre-saint-georges.com/pieces/meme-pas-vrai/