Le Petit-Montparnasse n’a de cesse de nous proposer une programmation riche et exigeante (on se souvient notamment de la récente et géniale pièce La Chanson de l’Eléphant). Depuis fin janvier dernier, Michel de Montaigne est à l’honneur, à travers les retrouvailles en songe de Montaigne et de La Boétie, ce dernier étant mort jeune, trente ans auparavant. Une jeune femme, Marie de Gournay va participer aussi à sa façon au bouleversement intellectuel et émotionnel de Montaigne vieillissant…

C’est Emmanuel Dechartre qui incarne avec beaucoup de talent un Montaigne physiquement sur le déclin mais doté toujours d’une grande vivacité intellectuelle. Marie de Gournay, une charmante jeune femme venue déclarer sa flamme à Montaigne vient bouleverser littéralement la vie de ce dernier. Faisant soudain intervenir en songe son ancien et célèbre ami, l’anarchiste et révolutionnaire Etienne de La Boétie, mort à 32 ans, trente ans plus tôt.

Ressurgissent alors les querelles amicales et politiques, l’évocation des anciennes trahisons, Montaigne étant royaliste et chrétien.

Adrien Melin campe avec beaucoup de charisme La Boétie, ce personnage fantasmé par Montaigne et qui prend chair progressivement dans le récit. Ce personnage fruit de l’imagination et du cas de conscience de Montaigne au sujet de son ami disparu, est particulièrement saisissant : sa jeunesse et son aptitude à la réflexion philosophique procurent des moments de joute oratoire particulièrement savoureux.

Dans l’intimité de Montaigne

A travers cette mise en scène de Montaigne faisant le bilan de sa vie, en proie à des songes de son ancienne amitié qu’il a fini par trahir il y a bien des années et ce nouvel amour auquel il goûte avec délectation, c’est un personnage complexe qui nous est ici proposé.

Bien loin du souvenir très poussiéreux que nous avions du grand homme, reclus dans sa tour et ses livres.

Jean-Claude Idée revisite le célèbre « Parce que c’était lui, parce que c’était moi » de Montaigne à propos de La Boétie en y révélant une amitié plus sombre et tourmentée qu’il n’y paraît. L’occasion étant aussi de dresser le portrait d’une France divisée politiquement et de s’interroger sur les arcanes du pouvoir auxquelles Montaigne participera jusqu’à son dernier souffle.

Il faut aussi signaler la beauté des costumes et l’efficacité des décors qui donnent à cette pièce très littéraire beaucoup d’élégance visuelle aussi.

Pour joindre le plaisir d’un bon texte à celui d’un spectacle culturel riche, Parce que c’était lui est à découvrir de toute urgence !

Parce que c’était lui – Montaigne et La Boétie