Critique théâtre: Tartuffe

Tartuffe est la pièce de Molière la plus représentée au Français. Galin Stoev en est toutefois le premier metteur en scène étranger. Il a ainsi choisi délibérément de s’éloigner des représentations classiques de cette comédie en cinq actes en développant des éléments de mise en scène volontairement anachroniques et en soulignant parfois un peu trop l’aspect de « famille en crise » dans l’intrigue, au dépens-même du personnage principal. En résulte un étrange Tartuffe, au propos rendu plus compliqué.

La relecture de Tartuffe par Galin Stoev est bien tourmentée. Sur le magnifique plateau de la salle Richelieu (on ne reprochera pas ici la magnificence des costumes et des décors) qui met en scène cette famille bourgeoise du XVIIème siècle, Stoev prend déjà le parti de brouiller les pistes du temps. Il utilise des accessoires anachroniques (téléphones, lampes de poche), fait intervenir entre chaque acte des valets pour l’occasion revisités en personnages d’espions parfois en tenue très loufoque mais parfaits pour déplacer certains accessoire et autres meubles).

L’action de ces personnages très secondaires alourdit souvent le rythme et déconcentre aussi notre attention. La notion même de différence sociale, pourtant chère à Molière, semble ici complètement gommée (ainsi il est bien difficile de voir en Dorine, une simple servante à la langue bien pendue) ; il n’y a pas d’éléments physiques clairs, par exemple son costume, pour distinguer Dorine des autres membres de la famille).

Cette famille, justement, Galin Stoev, l’a repensée « en crise ». Il a voulu montrer « (…) une structure où l’on ne cesse paradoxalement de produire du néant, pensant naïvement pouvoir par là remplir les abîmes qui séparent les différents membres du groupe. » En ce sens, Stoev pousse le mécanisme à l’extrême avec des personnages qui se comportent souvent de façon surexcitée.

Une mise en scène surexcitée

Face à cette famille en état permanent de cocotte-minute prête à imploser, il est bien difficile d’écouter le discours de Tartuffe qui semble ici ne plus être le personnage central de la pièce. Pourtant, on ne peut reprocher le jeu de Michel Vuillermoz, tout en finesse qui campe ici un Tartuffe volontiers sombre et pervers.

Mais il faut bien l’avouer, l’excitation des jeunes comédiens de la troupe qui se déplacent bien trop souvent sur le plateau comme des chiens fous, a tendance à nous déconcentrer encore un peu plus de l’intrigue. Le personnage de Mariane également est interprété comme un bien curieux pantin, souvent atone ou au contraire beaucoup trop surjoué.

Finalement, c’est Elsa Lepoivre et Didier Sandre qui tirent leur épingle du jeu. Ils semblent respecter avec nuance la feuille de route de leurs personnages respectifs. Didier Sandre campe ici un Orgon manipulé et longtemps prisonnier de son erreur mais fait montre pourtant d’un beau charisme auprès des siens ; tandis qu’Elsa Lepoivre est superbe de dignité, d’élégance et de colère maîtrisée.

En voulant dépoussiérer à tout prix Tartuffe, cette mise en scène parasite complètement le propos de comédie initial. Dans ces conditions, il est bien difficile pour le spectateur de prêter une oreille attentive au discours de Molière.

Tartuffe de Molière
Mise en scène de Galin Stoev
Avec Claude Mathieu, Michel Favory, Cécile Brune, Michel Vuillermoz, Elsa Lepoivre, Serge Bagdassarian, Nazim Boudjenah, Didier Sandre, Anna Cervinka, Christoph Montenez…
Salle Richelieu
Du 20 septembre 2014 au 17 février 2015
En alternance
Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage.
http://www.comedie-francaise.fr/

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