Entretien: Anne Rotenberg, la fée de Grignan
Cela fait maintenant quatorze ans qu’Anne Rotenberg est en charge de la direction artistique du Festival de la Correspondance de Grignan, travaillant sur le choix des textes issus de la correspondance d’auteurs célèbres, selon une thématique sélectionnée de concert avec l’équipe du festival. Celle qui est avant tout au service de l’écriture, dans son activité principale d’adaptatrice, nous a reçu à la charmante terrasse du Clair de Plume, son fief grignanais l’espace d’une semaine…
Commençons par parler un peu de Grignan…
Le Festival de la Correspondance de Grignan a été créé il y a dix-huit ans sous la houlette du maire Bruno Durieu. Pierre Cordier, l’attaché de presse du festival et Didier Long, président d’honneur, amis de longue date m’ont fait monter dans leur train, il y a déjà quatorze ans. A l’origine, Bruno Durieu avait imaginé ce festival de la Correspondance pour célébrer le tricentenaire de la Marquise de Sévigné. Ce genre littéraire est assez peu lu mais représente pour des étudiants ou des aficionados de littérature, une véritable mine d’informations.
Grignan est ce festival très intimiste et très local qui a évolué petit à petit. C’est le festival d’un maire, de tout un village et je ne suis là qu’à leur service. Il faut mentionner aussi ici le travail formidable des bénévoles, toujours nombreux et efficaces.
Comment choisissez-vous chaque année la thématique du festival ?
Ce n’est pas moi qui la choisit uniquement. C’est une décision que nous prenons ensemble avec l’équipe du festival. Pour le sujet de cette année sur l’Amérique, j’y pensais déjà depuis sept ans. Cela nécessite beaucoup de recherches. Je m’aide beaucoup par exemple des préfaces et autres postfaces pour trouver des idées, des auteurs. J’établis alors une liste et tente de dégager une couleur générale par exemple cette année les rapports entre la France et les USA, le prisme de cette relation entre ces deux pays. C’est ce fil conducteur qui m’intéresse particulièrement. Ainsi les textes que j’adapte possèdent entre eux des éléments de « correspondances », justement, dans leurs thématiques et opinions qui ne sont pas fortuites.
Comment se passe ce travail de recherche ?
C’est un travail très prenant et qui se fait tout au long de l’année. J’engrange beaucoup de matériaux sur les correspondances et les auteurs en question. L’accès à ces correspondances n’est pas toujours évident. Peu de textes de ce genre sont en vente donc je passe beaucoup de temps en bibliothèque. En fait, je travaille de chez moi principalement et j’ai souvent bien du mal à décrocher (rires).
Et quel est le cahier des charges de ces fameuses lectures-spectacles ?
D’abord, il faut différencier le travail d’adaptation à celui de montage des textes. Pour le montage, il faut suivre une ligne éditoriale très précise : un nombre de mots qui oscille entre 8000 et 8700, jamais plus de trois comédiens pour les lectures. Pour l’adaptation écrite, je dois poser un regard d’éditeur, c’est-à-dire être très attentive. Il faut préciser ici que la plupart des textes adaptés de la correspondance et lus à Grignan sont édités chaque année à L’Avant-Scène. Je travaille aussi en tant qu’adaptatrice depuis trois ans sur un autre événement, Le Paris des Femmes avec Véronique Olmi et Michèle Fitoussi.
Pouvez-vous nous en dire plus aussi sur cet événement ?
Le Paris des Femmes est un festival unique en son genre car consacré aux auteures de théâtre. C’est parti à l’origine d’un constat effrayant : qui était l’équivalent de Shakespeare ou Molière au féminin ? Avec la comédienne Véronique Olmi et la journaliste Michèle Fitoussi, nous avons décidé il y a trois ans, de créer ce festival, se déroulant pendant trois jours en janvier, au Théâtre des Mathurins qui a accepté de jouer le jeu depuis le début.
Trois jours pour faire découvrir neuf auteures de théâtre. A cette occasion, nous avons créé un comité de lecture et choisi des mises en espace spécifiques avec des metteurs en scène de talent, hommes et femmes confondus. Parmi les metteurs en scène qui ont joué le jeu : Isabelle Nanty, Murielle Magellan, Anne Bourgeois, Ladislas Chollat. Pour l’année prochaine, Delphine de Vigan ou bien encore Emilie Frèche ont été sollicitées.
Mais ce qui compte le plus pour moi dans cet événement, c’est l’incroyable entente que j’ai eu d’emblée avec ces deux formidables femmes que sont Véronique Olmi et Michèle Fitoussi, malgré nos différences. J’éprouve un vrai plaisir à travailler avec elles.
Entretien réalisé à Grignan, le 2 juillet 2013.
Crédits photos: Laetitia Heurteau