Lecteur de cinéma : un bien drôle d’oiseau…

Etre payé pour lire un scénario ou un roman !… Même le chanteur Antoine, adepte de l’argent qui tombe du ciel, n’avait osé en rêver… Oui mais voilà, à l’ombre des paillettes et des strass, la casquette du lecteur de cinéma n’est pas toujours facile à porter…



Pour crâner à la cantine, être lecteur de cinéma, c’est sûr, c’est merveilleux. Rendez-vous compte: vous avez lu le nouveau Ang Lee (le réalisateur abonné aux récompenses en tous genres) avant même les toqués de Cannes! Félicitations, vous avez une bonne longueur d’avance et avec un peu de chance, vous avez même proposé des pistes de développement à la production du Maestro.

Vraiment, sur le papier, ça le fait d’être lecteur de cinéma. Quand on arrive à l’accueil d’une grosse boite de production qui diffuse à tire larigo ses bandes annonces, on se dit que waouh, on fait un peu partie de la grande famille du cinéma, non ? Parfois, si le projet est très urgent, on vous envoit un coursier (qui a probablement travaillé avant chez EDF parce qu’il n’arrive jamais à l’heure) et là on a l’impression d’être dans le secret des Dieux. « Gare aux fuites » nous rappelle le sigle de la Warner. Comme dans un thriller américain, on risque presque la chaise électrique si on a eu le malheur d’en parler un peu autour de nous. Euh, à la cantine, justement…

Le côté obscur du lecteur

Mais bon voilà. Hum. Raclement de gorge. Dans « la vie la vraie », le métier de lecteur, est surtout consacré, disons à 98% pour être réaliste, à lire des ovnis de scénarii jamais adaptés. Des nanars si vous préférez. Le plus surprenant dans ce genre de lectures, c’est que l’écriture ratée est un concept véritablement abyssal. Telle Alice plongeant dans le tunnel à la poursuite du Lapin Blanc, le lecteur courant après la perle rare, sombre dans la spirale du scénario déconstruit, trop formaté, prévisible à pleurer où les personnages mériteraient constamment une bonne taloche. Aïe!

La fiche de lecture variera en fonction des tarifs. Ici notre sens de l’honneur ne nous permettra pas de les divulguer. Disons globalement que la télévision est plus généreuse que la production cinématographique mais qu’en contrepartie, elle se montrera plus exigeante.

Très peu de lecteurs vivent pleinement de ce métier qui est pourtant un outil indispensable pour aider les scénaristes, leur apporter un regard neuf voire leur suggérer des pistes d’écriture. La ligne éditoriale variera également d’une boite de production à l’autre (« Le film d’auteur, c’est la loose», « Vive le film de genre! » « Formaté oui mais pas n’importe comment » « Ah la Nouvelle Vague, ma Muse éternelle » « Tiens, c’est le scénario d’un pote, il est TOP! »). Et en cela, le lecteur de scénario cultive un art de la flexibilité à toute épreuve.

Les producteurs aux poches remplies d’oursins argueront que lecteur c’est une activité que Monsieur Tout Le Monde peut faire. Eh oui, dans la pratique on lit et on donne son avis, ma p’tite dame ! Qu’il n’existe pas ou très peu de formation. Il occultera ici sciemment les universités de cinéma ou les très onéreuses formations à l’écriture où les papes du scénario (américains forcément, ah Hollywood!) comme Truby ou Mc Kee vous proposent un show inoubliable sur la dissection d’un scénario.

En bref, être lecteur ne fait pas vivre mais il faut être riche pour se former et donc postuler. Le serpent se mord encore une fois la queue mais soupire car les pistes pour revaloriser ce métier sont bel et bien là: accepter de sortir de l’anonymat et s’associer, voire se syndiquer, à la manière du scénariste, ce parent pauvre du cinéma par excellence.

La qualité artistique a un prix mais la politique de l’autruche est tellement plus commode…

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