Raphael Personnaz, les confessions du Duc Tadjik (2)
Suite et fin de l’entretien à bâtons rompus avec Raphaël Personnaz, qui, après avoir chevauché cette année les routes françaises pour La Princesse de Montpensier, servi d’homme- poster pour la dernière campagne publicitaire d’H&M, s’est retrouvé pendant plusieurs semaines au Tadjikistan, au milieu de nulle-part… Et à vingt mètres de l’Afghanistan ! La raison étant le tournage du film, Forces spéciales, bourré d’action et de suspense, avec Benoît Magimel et Diane Kruger. Une expérience forte pour l’homme et l’acteur. Dont on ne sort pas totalement indemne.
Quelles étaient finalement les indications que Tavernier vous a donné sur le personnage ?
Il m’a parlé d’un personnage extrêmement cultivé, vraiment en avance sur son époque. Il existe peu de choses sur ce personnage. J’ai lu une biographie sur Henri III qui rétablit la vérité sur ce personnage qui a été complètement caricaturé, sur son homosexualité, sa manière d’être avec les gens, etc. Donc il y avait quelque chose de très précieux à trouver chez lui, et qui soit en même temps viril parce que c’est aussi un général des armées, à l’âge de dix-sept ans.
C’est un personnage que j’aime vraiment parce qu’il cache ses sentiments, il pratique énormément l’ironie. Et puis c’est quand même jubilatoire d’entrer dans une salle où tout le monde vous salue !
Tester cela après dans votre boulangerie…
Et le fait de jouer aussi avec « la jeune garde du cinéma français » doit permettre aussi de tester beaucoup de choses ?…
Avec Gaspard (Ulliel), on se connait depuis pas mal de temps et ce tournage nous a vraiment rapproché : c’est un type profondément gentil, intelligent, brillant, extrêmement mâture.
Mais bizarrement dans les séquences qu’on avait ensemble à jouer à cheval, à parler de la princesse de Montpensier, on était pendant les prises dans une énergie telle qu’on était vraiment prêt à se péter la gueule. Ça m’a marqué parce que Gaspard me disait « attention à ton cheval! » et je lui répliquais agressivement « non, mais ça va! ». Tavernier plonge vraiment ses acteurs dans une ambiance, en les laissant pleinement libres.
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Il y a donc une forme de télépathie finalement entre le metteur en scène et son comédien ?
Ici oui, clairement! Tavernier finalement c’est quelqu’un qui va nous mettre dans un parc à enfants, qui nous donne des accessoires et nous dit : « allez-y je vous regarde! » C’est ça! Et il n’y a rien d’autre à expliquer. Le problème en fait c’est qu’il y a trop de réalisateurs qui veulent montrer aux acteurs le personnage de façon « psychologisante », alors que l’acteur ne vit que dans l’action.
J’ai une profonde admiration pour Dewaere à ce sujet, parce que c’est avant tout un instinctif. Il s’est trop brisé, abimé dans sa vie mais il n’y a rien de psychologique chez lui! C’est bouillant, ça sort!
NOUVELLE EXPERIENCE TRES FORTE: LE TOURNAGE DE FORCES SPECIALES
Comment se passe l’après « Montpensier » ?
C’est vrai que depuis Cannes et la sortie du film, beaucoup de choses ont changé pour moi. Je reviens tout juste du Tadjikistan et je reçois tout ça… Ce qui est bien c’est que pendant dix ans, j’ai toujours travaillé, donc je ne vais pas dire que je connais les pièges, mais bon… Là, c’est un luxe incroyable, de pouvoir choisir des projets comme « Passage du désir », proposé à Cannes avec Julie Gayet. Après on sait que rien n’est acquis. Que la vraie vie est ailleurs…
Mais là par exemple, je viens de finir « Forces spéciales » qui est un film qui n’a rien avoir avec Tavernier. C’est un film d’action qui raconte l’histoire d’une journaliste (Diane Kruger) qui se fait kidnapper en Afghanistan; six types des Force spéciale sont alors dépêchés… Une expérience incroyable d’acteur car on était au-delà du jeu.
Il fallait, j’imagine, composer avec le lieu, les gens…
Contrairement à Anjou qui est un personnage qui se prépare, là j’ai tout de suite senti que j’allais me faire happer par tout ce qu’il y avait autour. Il y a une scène notamment dans un village où les Forces Spéciales vont un peu à la rencontre des habitants afghans. On tournait au Tadjikistan avec de vrais gens. Le seul acteur professionnel tadjik qui jouait le chef du village nous racontait que les Talibans étaient venus et avaient enlevé tous les enfants pour les endoctriner, etc. On commence à tourner. J’avais des petites dames à côté de moi avec des visages incroyables. Et le type qui nous raconte ça, joue sa scène. Je me retourne et là je vois vraiment ces deux femmes en pleurs.
Là, on se dit, bon, il n’y a rien à jouer. On est juste là, on regarde ! Toutes les belles théories théâtrales, on les met de côté. C’est dix fois plus fort. Parmi le casting (outre Benoît magimel, Diane Kruger), il y avait un type qui avait vraiment fait partie des Forces spéciales, Alain Alivon, qu’on surnommait « Marius », et qui dès la première prise était pile dedans. Rien à faire, c’était comme ça ! Voir ainsi des gens qui se laissent vraiment aller devant la caméra, qui n’ont aucune pudeur, ça met une sacrée petite claque, et c’est aussi bien !
Un grand merci à Raphael Personnaz pour le temps consacré à cet entretien.
La Princesse de Montpensier se donne actuellement au cinéma. Je vous recommande vivement ce film.
On pourra retrouver prochainement à l’écran Raphaël Personnaz dans La chance de ma vie (de Nicolas Cuche), Forces spéciales (de Stéphane Rybojad), Passage du désir (de Géraldine Maillet), etc. A star is born 😉