Récit de ma petite escapade à Arles avec El Gusto…
Alors que plus de la moitié de la France vit sous les nuages depuis plusieurs semaines, en ce curieux début d’été, voici que le groupe algérien El Gusto a choisi de poser ses valises au pays du soleil, à Arles, plus précisément dans le cadre du festival « Les Suds ».
Le concert a lieu le vendredi 13 juillet au soir dans ce lieu magique du théâtre antique d’Arles où les colonnes datant de l’époque gallo-romaine viennent cotoyer les échaffaudages en acier, les immenses projecteurs et les fils électriques nécessaires au concert.
Les musiciens d’El Gusto ne sont pas supersititieux quant à la date du concert. Ils sont arrivés la veille à Arles, en fin de journée après un long périple en car qui les ramenait de Genève et où ils avaient joué la veille devant plus de 4000 spectateurs. Tous s’accordent à trouver cette rencontre avec le public suisse unique. « C’est surprenant de voir combien le public de Genève est ouvert à notre culture, à notre musique. Sa réception a été tellement chaleureuse que cela nous a tous fait énormément de bien », précise Rachid Berkani.
« Arles, c’est le même climat que celui de l’Algérie ou presque, on ne va pas s’en plaindre », ajoute Abdelmadjid Meskoud, tout sourire, chanteur et joueur de mandole et qui profite de quelques instants de répit à l’ombre, sur son transat. Tout le groupe a rejoint le théâtre antique en cet après-midi caniculaire pour les fameuses « balances », nécessaires pour accorder les instruments entre eux.
Ferkioui, l’espiègle, danse avec son accordéon
Un peu plus loin, on retrouve Mohamed Ferkioui, le génial miroitier que Safinez Bousbia rencontra par hasard en 2003 dans les rues d’Alger. Ce dernier se régale de cette tournée, des gens nouveaux qu’il rencontre. A Alger, sa boutique ne désemplit pas. Il y a quelque chose de touchant chez cet homme intarissable en anecdotes en tous genres, c’est sa joie de vivre contagieuse, celle aussi de pratiquer son art en compagnie de ses amis.
Sur scène, à un moment donné du concert, Ferkioui, ne peut s’empêcher de danser avec son accordéon. C’est un moment privilégié d’humour et d’espièglerie qu’il entretient avec son public. Ses camarades de jeu, le regardent avec tendresse et amusement. Au piano, joue aussi son frère Samil Ferkioui, beaucoup moins extraverti que son aîné.
Un peu plus tôt dans la journée avait lieu l’apéro-découverte organisé par le festival. Quelques musiciens d’El Gusto étaient venus entourer Safinez Bousbia, la jeune réalisatrice et productrice du film. Rayonnante, cette dernière a rappelé combien l’originalité du message de ce documentaire sur l’Algérie était d’en parler avec un regard optimiste. « Il s’agit avant tout d’une histoire de retrouvailles entre amis, séparés depuis cinquante ans. Depuis maintenant quelques années, le groupe s’est formé, avec cette formidable énergie autour de la musique, étonnante pour des musiciens âgés en moyenne entre 70 et 85 ans. »
« Mon Gusto, c’est vous ! »
Mais au fait, que signifie « el gusto » ? En arabe comme en Espagnol, il a le même sens : le gusto, c’est ce bonheur vécu dans l’instant présent, celui que l’on partage, autour de la musique par exemple, entre amis, ou autour d’un bon plat. « Mon gusto, c’est de rencontrer des gens nouveaux, d’échanger, grâce à la tournée, dit en souriant Liamine Haimoun, chanteur et joueur de mandole. Mon gusto, c’est vous ! ».
Sur scène sous de grands parasols, les musiciens et chanteurs d’El Gusto se sont retrouvés pour les balances, sous la direction de Madj. Ce dernier, très concentré, a de quoi faire avec ses 19 musiciens et instruments dont il faut régler le moindre accord.
Plus tard, El Gusto et son équipe de production partent dîner non loin des arènes d’Arles et de son théâtre antique. Tous dînent joyeusement, l’oeil pétillant, comme si le stress du prochain concert était quelque chose d’impensable. Maurice El Medioni, amusé par notre question sur le trac, précise : « le trac, je ne l’ai plus depuis bien des années. J’ai commencé à jouer à l’âge de neuf ans et depuis, monter sur scène, je l’ai fait tellement de fois que cela ne me procure aucune peur mais bien de la joie, au contraire ! »
Quand une guitare gitane rencontre celle d’un joueur de Chaâbi…
Soudain, un guitariste gitan vient enflammer l’assemblée avec un pot pourri des morceaux des Gipsy kings. Il s’appelle Serginilho et ne sait pas que son auditoire pratique la guitare avec la même fougue. Mohamed Sergoua l’un des guitaristes du groupe, entreprend de jouer un air chaâbi sur la guitare (un peu fatiguée) du gitan qui n’en revient toujours pas de découvrir en lui « un collègue », voire un « maître ». Tout le monde est debout et improvise une danse espagnole endiablée, olé ! Un vrai « bœuf » avant le concert-même !
A 21h30, tout ce petit monde patiente dans la loge. Il ne fait pas encore nuit et un nombre incroyable de gens a pris place dans les gradins du théâtre antique. Les moustiques sont aussi de la partie mais qu’importe cette nuit d’été est l’occasion pour le public d’Arles de découvrir cette musique d’Alger qui chante l’amour, la réconciliation et la joie de vivre, sur le ton de la nostalgie ou celui du rythme oriental qui invite à la danse. Safinez Bousbia, sur scène, appelle son orchestre. Celui-ci heureux de pouvoir enfin jouer vient se placer sagement devant son instrument. La fête peut alors commencer…
Il est déjà plus de deux heures du matin quand le groupe rentre à l’hôtel. Comme des garçons qui auraient fait le mur, ravis de leur exploit, certains ne manifestent aucune envie de se coucher. C’est d’ailleurs le moment émouvant des adieux car l’heure de prendre l’avion demain pour Alger est bien matinale.
On est touché par cet humour toujours pétillant et cette ouverture d’esprit naturelle qui habitent chacun des musiciens du groupe. Ces quelques heures passées en compagnie de ce groupe de musiciens sont particulièrement revigorantes. C’est aussi cela, El Gusto, une vraie cure de jouvence !…