Sarah Bernhardt : « L’Impératrice du Théâtre » ressuscitée
L’Extraordinaire Destinée de Sarah Bernhardt a ouvert le bal, le 27 août dernier des grands rendez-vous attendus de la rentrée théâtrale. Et n’a pas déçu, loin de là. Géraldine Martineau et toute sa troupe, la flamboyante Estelle Meyer en tête, rendent à la première icône de l’histoire du théâtre, un hommage vibrant, intense, joyeux… et même pailleté !
« Arrête de faire ta Sarah Bernhardt ! » … Une expression que nous avons tous entendu au moins une fois dans notre vie.
N’en déplaise à Madonna ou à Lady Gaga, Sarah Bernhardt est la première artiste sulfureuse, iconique, « monstre sacré ». Ce n’est pas moi qui le dis. C’est mon cher Jean Cocteau. Qui crée l’expression pour l’occasion. L’artiste aux mille vies, est avant tout une femme libre, sans limites. Et sa devise : « Quand même ! » doit continuer de nous inspirer.
Une écriture sensible et inventive, une mise en scène fluide et joyeuse
Celle qui s’est éteinte, il y a 101 ans, méritait bien que l’on raconte enfin sa vie… sur scène.
C’est le pari fou que la comédienne et ici auteure et metteure en scène Géraldine Martineau (Le Poisson belge, La Petite Sirène) s’est lancé, encouragée et accueillie par le directeur du Théâtre du Palais-Royal Sébastien Azzopardi (pour l’anecdote, il est lui-même l’arrière-arrière-arrière-petit-fils de Sarah Bernhardt !).
Or il y a tant de choses à raconter sur la vie de celle que Victor Hugo avait lui-même baptisé la « Voix d’or ». Et forcément, on ne peut pas ici tout mettre en scène. Il faut faire des choix et d’ordre psychologique et d’ordre scénographique pour illustrer au mieux les méandres de la vie de Sarah Bernhardt et ses moments clés.
Pour ce faire, Géraldine Martineau prend la plume et « sculpte » (un autre art que Sarah Bernhardt a développé avec passion tout au long de sa vie), toujours avec fidélité, une femme moderne qui nous parle encore aujourd’hui par ses choix artistiques, ses coups de gueule et son combat féministe avant l’heure.
Sur scène, elle le traduit par une direction de comédiens fluide qui donne à tous l’espace d’évoluer, à travers des changements de décors, costumes et accessoires rythmés. Le chant et la musique ont également leur importance.
Une troupe unie, à l’écoute de chacun
Une troupe enthousiaste et soudée, constituée de huit comédiens et deux musiciens va incarner ici, tour à tour, tous les personnages de la vie de la plus célèbre des tragédiennes.
Rencontrée à la générale de presse, la comédienne Isabelle Gardien m’avait confié combien c’était une vraie pièce de troupe où chaque participant avait travaillé, cherché, pour le bien de tous, s’’élevant ensemble, à l’écoute de chacun.
Mention spéciale au comédien Adrien Melin qui incarne, méconnaissable à chaque fois mais toujours juste, pas moins de cinq personnages (dont un Victor Hugo mémorable).
Estelle Meyer, la révélation
Et au sommet, il y a Estelle Meyer qui incarne avec toute son âme, toute sa conviction de comédienne et chanteuse, Sarah Bernhardt dans les magnifiques costumes de Cyndy Lombardi.
Sa voix aussi « est d’or » successivement chaude, voilée, enthousiaste, tragique, joyeuse, douloureuse. En un mot, vibrante.
Elle « est » cette femme-artiste qui se rêve religieuse, passe le Concours du Conservatoire sans le préparer, élève seule son enfant, improvise un hôpital de guerre au Théâtre de l’Odéon pendant le siège de Paris de 1870, installe un cercueil en bois de rose chez elle pour, prétend-elle, s’habituer à la mort, joue sur la scène de pas moins de cinq continents, crée L’Aiglon de Rostand qui a écrit le rôle pour elle, campe une Phèdre mémorable (dont un enregistrement tout enroué par la technologie de l’époque subsiste), continue de jouer assise, malgré sa jambe amputée…
« Quand je déroule le fil de ma vie, il y a quelques trous noirs, mais je vois surtout des images joyeuses et colorées » fait dire Géraldine Martineau à son héroïne à la fin de la pièce, prenant à part son public.
Les créations audacieuses sont rares de nos jours au théâtre. Il ne faut surtout pas passer à côté de celle-ci enflammée, dramatique et joyeuse à la fois. A l’image de son héroïne.
L’Extraordinaire Destinée de Sarah Bernhardt De et mise en scène par Géraldine MARTINEAU Avec Estelle MEYER, Marie-Christine LETORT, Isabelle GARDIEN, Blanche LELEU, Priscilla BESCOND, Adrien MELIN, Sylvain DIEUAIDE, Antoine CHOLET, Florence HENNEQUIN et Bastien DOLLINGER Au Théâtre du Palais-Royal Infos et Réservation : ICI !