C’est dans la petite salle du Théâtre de Poche-Montparnasse que se joue l’un des huis-clos les plus haletants et originaux de cette nouvelle saison théâtrale. En cause, cet univers délicieusement british et pervers, porté par une troupe de comédiens particulièrement réjouissante. N’hésitez pas à pousser les portes de The Servant, écrite par le neveu de Somerset Maugham et portée à l’écran par Joseph Losey…

Dans un hôtel particulier londonien dont l’époque n’est pas vraiment identifiable emménage Tony (Xavier Lafitte), un jeune aristocrate aussi séduisant que désœuvré. Sur les conseils de son meilleur ami Richard (Adrien Melin), Tony engage l’étrange valet, Barrett (Maxime d’Aboville inquiétant au possible).

Exemple de cette mise en scène toute en nuances, signée Thierry Harcourt, ce lieu où emménage Tony, désespérément vide ne va cesser de s’étoffer dès lors que Barrett entre en scène.

Mais Barrett a tôt fait de tout régimenter, de la décoration jusqu’à la propre vie privée de son maître. Ce dernier, pris au départ d’une honorable sympathie pour son valet, ne tarde pas à devenir très dépendant de Barrett. A tel point que sa propre vie sociale et privée en devient compromise.

Xavier Lafitte et Adrien Melin - Crédits photo: Brigitte Enguerrand

Glaçant et diablement élégant

Habitué à mettre en scène à Paris comme à Londres, Thierry Harcourt se frotte ici avec brio à l’univers volontiers raffiné et décadent de Robin Maugham. Il enrôle avec lui de jeunes comédiens particulièrement talentueux et élégants. Tous tirent à merveille leur épingle du jeu : Xavier Lafitte campe de façon à la fois très naturelle et nuancée ce Tony, de plus en plus évanescent au contact de Barrett ; Maxime d’Aboville scrute les personnages de l’intrigue comme le public avec un regard des plus glaçants. Toute sa gestuelle est comme mécanisée. Même si le vrai pantin n’est pas celui que l’on croit.

Adrien Melin incarne Richard, cet « ami si cher » dont le masque finit par tomber, avec cette ironie flegmatique qui lui va si bien. Les femmes ne sont pas en reste pour autant dans cette intrigue à multiples tiroirs. Il y a Alexie Ribes, qui s’en sort plutôt bien en fiancée snob, secrètement dépassée par les événements. Et Roxane Bret, pétillante voire volcanique en fiancée de Barrett, convoitée par Tony et qui fait ses premiers pas sur les planches.

Tout ce petit monde nous extraie avec bonheur, le temps d’un début de soirée salutaire, de notre quotidien parisien et grisaillant, grâce à cette intrigue toujours surprenante et portée par une troupe qui se régale visiblement…

The Servant