Time Square ou la belle « mise en abîme » du comédien
En ce moment au Théâtre Montparnasse, la pièce de Clément Koch se propose d’explorer les coulisses du métier de comédien à travers la rencontre revigorante d’un professeur d’art dramatique cynique et alcoolique (Guillaume de Tonquédec) et de sa jeune élève, gonflée à bloc pour passer une prochaine audition. Prenez vite vos places, dernière le 14 mai prochain !
New York, de nos jours. Matt Donovan, à 55 ans, n’a pas joué depuis 3 ans et s’est réfugié dans la posture de professeur de théâtre intransigeant et dans, il faut bien le dire aussi, l’alcoolisme. Soutenu financièrement par son frère Bobby, il survit dans le grand appartement new-yorkais familial et prend sous sa protection Tyler, déjà bien cabossé par la vie et qui vit de petits boulots dont celui de Peluche géante sur Time square.
La rencontre de Matt, ce personnage désabusé et cynique par la force des choses, avec Sara Bump, déterminée à réussir sa carrière de comédienne, va, bien sûr, tout bousculer.
Au fond, ici, chaque personnage tente de répondre à sa façon, à la question centrale de la vocation d’artiste dans toute sa fragilité et son énergie vitale intrinsèques. Car même le personnage de Robert Donovan incarné avec beaucoup de délicatesse par Marc Fayet incarne ce désir secret de vivre de son art et qui le pousse ainsi à encourager son frère à se remettre en selle.
Jouer : cet art si fragile et puissant à la fois
Le personnage de Sara Bump (Camille Aguilar, véritable révélation), élève en comédie, plein d’exigence, de colère sourde et de détermination est une façon ici de s’interroger sur les vraies motivations du comédien : l’importance de la technique (posture, diction, « la politesse du comédien ») mais surtout l’importance de s’ouvrir à l’autre à l’écoute, à la nécessité de se « dé-centrer » de soi pour mieux s’immerger dans ce rôle ardu et tant convoité de la célèbre Juliette de Shakespeare.
Le personnage de Tyler réserve aussi beaucoup de surprises au spectateur qui éprouve d’emblée pour lui une tendre empathie pour son extrême fragilité. Il propose au jeune comédien Axel Auriant, plein de promesses, d’explorer malgré le handicap de son personnage, la rage d’en découdre et le lâcher prise inhérent qui lui permettra de se dépasser lui-même.
Au centre de cette exploration de la figure du comédien, il y a ce personnage d’homme abîmé, qui ne croit plus en rien. Car il est bien question de foi ici dans ce drôle de métier. Sans la foi, point de salut. Ce personnage sombre, dépressif, alcoolique, égoïste mais non dénué d’humour cache beaucoup de qualités et de doutes derrière sa façade apparente. L’occasion pour Guillaume de Tonquédec de briller une fois de plus dans un rôle principal pas évident et à rebours de ses précédents personnages incarnés sur scène, plus drôles et lumineux.
José Paul (qui met aussi en scène en ce moment au Théâtre Fontaine, Berlin Berlin), dont on aime (depuis toujours, allez, c’est dit !) l’intelligence de mettre en scène par petites touches la fragilité et le comique millimétré de ses personnages, tout en rendant vivant les lieux, en apparence ici figés : on va l’aérer ainsi par une simple fenêtre ouverte brusquement sur la célèbre Grande Pomme qui ne dort jamais ou par des sorties de scène intempestives pour mieux suggérer la grandeur et le vide de ce 15ème étage encore et toujours dans son jus.
A la fois tendre et à vif, sombre et solaire, cette pièce délivre un beau message sur le doute qui fait avancer, l’écoute de l’autre et l’exigence envers soi-même qui permet de se (re)mettre en selle sur la scène d’un théâtre ou plus largement sur celle de la vie.
Savoureux, touchant et inspirant !
Time square De Clément Koch Mise en scène de José Paul Avec Guillaume de Tonquédec, Marc Fayet, Camille Aguilar et Axel Auriant. Théâtre Montparnasse Du mardi au samedi à 20h30 Matinées : samedi à 17h30 et dimanche à 15h. Jusqu’au 14 mai ! Réservation sur le site web du théâtre ! Ou par tel : +33(0)1 43 22 77 74 – et mail : resa@theatremontparnasse.com Crédits photos : Fabienne Rappeneau