Mon gros coup de coeur ciné : la flamboyante épopée de la Montpensier
Haletant, fiévreux, audacieux, le nouveau film de Bertrand Tavernier nous entraîne dans cette France chaotique de Charles IX, à la veille du célèbre massacre de la Saint -Barthélémy. Avec un scénario soucieux de retranscrire la force des tourments amoureux, chère à Madame de La Fayette, tout en proposant une véritable modernité dans sa réalisation, La Princesse de Montpensier fait mouche !…
N’en déplaise aux détracteurs des films « à la française », le dernier opus de Bertrand Tavernier n’est ni un téléfilm historique dit « du samedi soir », ni un film guimauve pour donzelles esseulées.
Foin, en effet, de l’imaginaire facile des p’tits mignons en culottes bouffantes et collants d’époque passant leur temps au coin du feu : ici les nobles français, vus par Tavernier, ferraillent de la cour du château familial au champ de bataille boueux, à la façon des samouraïs…
La violence des combats est soulignée par une utilisation importante de la steadycam, pour coller au mieux avec chacun des coups que les personnages se donnent ou reçoivent. Mais Tavernier n’exclut pas de belles plongées panoramiques sur ces champs de batailles enfumés, peintures saisissantes de la guerre sous la Renaissance.
La quiétude de la vie de Marie de Mézières (radieuse Mélanie Thierry !), récemment mariée de force au prince de Montpensier contraste d’autant plus que la caméra de Tavernier s’amuse avec le chatoiement des étoffes, la beauté somptueuse de ses extérieurs et l’audace de costumes d’époque de premier choix.
Une Princesse pleine de fougue
Au cœur de cette intrigue qui mêle guerres religieuses, passions tumultueuses et duels en cascades, Bertrand Tavernier nous propose un casting de premier ordre et oppose deux générations d’acteurs : il y a celle des « pères », qui tire les ficelles et régente la destinée des jeunes héros avec cynisme. Elle est ici, entre autres, représentée par Michel Vuillermoz, génial sociétaire de la Comédie Française, qui campe un duc de Montpensier particulièrement truculent et opportuniste.
Le garant de la morale, chère à Madame de La Fayette, est ici incarné par Lambert Wilson, qui semble conserver l’égal charisme et ferveur de Christian de Chergé, sa récente et bouleversante composition au cinéma (Des Hommes et des Dieux).
La jeune génération est d’abord incarnée par une Mélanie Thierry solaire et attachante qui s’interroge sur sa position de femme fraîchement mariée. Gaspard Ulliel campe le célèbre duc de Guise, connu pour ses conquêtes au combat comme au lit. Raphaël Personnaz, le duc d’Anjou, joue avec esprit, finesse et autorité le personnage du futur Henri III. Grégoire Leprince-Ringuet, enfin, dans le rôle peu agréable du mari, sait retranscrire à l’écran toute la palette complexe de son personnage, entre passion, tristesse et jalousie intempestives.
Entre raison et sentiments, fougue et soif de vertu, le dilemme de cette jeunesse orgueilleuse et enflammée, fonctionne d’autant mieux qu’il est porté à l’écran par un cinéaste aussi passionné qu’expérimenté, pour qui chaque plan compte. Un bien beau « face à face et sans merci » cinématographique.