Georgia Scalliet: Portrait
Quelle belle nouvelle en cette fin d’année théâtrale : la pensionnaire Georgia Scalliet est nommée sociétaire tout comme le talentueux Jérémy Lopez (à partir du 1er janvier 2017) ! Juste avant les fêtes de fin d’année, la Comédie Française organisait justement une rencontre au Studio Théâtre avec la comédienne, doublée le lendemain d’une lecture choisie par cette dernière, dans le cadre du « Grenier des Acteurs » institué par Eric Ruf depuis deux ans, au dernier étage de la maison de Molière. Ambiance chaleureuse et intimiste garantie.
Dans la salle du Studio Théâtre, le lundi 12 décembre dernier, beaucoup d’amateurs de théâtre et inconditionnels de la Comédie Française s’étaient réunis pour écouter le récit de l’étonnant parcours de Georgia Scalliet. Entrée sur scène sur la pointe des pieds, très intimidée, cette dernière, semblait toute surprise de voir la salle pleine pour l’écouter et toute gênée de recevoir ainsi l’éloge des projecteurs et des applaudissements chaleureux.
Tour à tour pétillante, spirituelle et transie de timidité, elle a évoqué son parcours de comédienne, choisi un peu comme ça, (mais quand même dès l’âge de huit ans : « quand je découvre que l’on peut suivre des cours de théâtre ! »), avec beaucoup de volonté. Ses parents, fans de Philippe Caubère, ne l’emmenaient guère pourtant au théâtre.
Après plusieurs stages, en France auprès de Catherine Dasté à la Maison Jacques Copeau, puis aux États-Unis à la Phillips Exeter Academy et en Angleterre à la Royal Academy of Dramatic Art (RADA), Georgia Scalliet poursuit sa formation à l’IAD (Institut des arts de diffusion) en Belgique et intègre l’ENSATT (École nationale des arts et techniques du théâtre) à Lyon en 2006.
Rencontre déterminante avec Alain Françon
Sa rencontre avec Alain Françon, son professeur à l’ENSATT à la fin de son cursus est déterminante. C’est lui qui pense en effet à elle, quand Judith Chemla décide de quitter la maison de Molière, laissant le rôle vacant d’Irina dans Les Trois Sœurs. Pensant signer un contrat d’élève-académicien au Français (statut créé la même année par Muriel Mayette), Georgia Scalliet a la surprise de signer un contrat de pensionnaire, en janvier 2009.
Décrivant Alain Françon, le visage de la comédienne s’illumine : « C’est quelqu’un de tellement lumineux, sensible, souriant. Je n’arrive pas à percer son art mais du point de vue du jeu de l’acteur, les règles du jeu sont très claires. Il travaille avec des êtres humains qu’il a choisi et nous donne l’impression qu’on a trouvé tout seul. Il nous donne beaucoup de liberté et respecte beaucoup l’intimité de chacun. »
Intégrer la troupe de la Comédie Française semblait, avant que cela ne lui tombe dessus, une idée complètement incongrue pour l’intéressée qui aime voyager, apprendre de tous les horizons possibles, comme avec la compagnie belge Tg Stan : elle conçoit et interprète avec Franck Vercruyssen Après la répétition de Ingmar Bergman en 2013.
Dedans et hors les murs du Français
Molière 2011 du Jeune talent, Georgia Scalliet fait aussi d’intéressantes incursions à la télévision (notamment quand elle retrouve la troupe des Trois Sœurs filmée par Valéria Bruni-Tedeschi pour Arte en 2015) et au cinéma (le petit bijou L’odeur de la Mandarine de Gilles Legrand, 2015) lui permettent de développer son art hors des murs de la Comédie Française.
A propos de ce qu’elle vit en ce moment au sein de la troupe du Français, Georgia Scalliet commente : « Je ne travaille pas beaucoup en ce moment dans la maison mais je suis étonnée de ce qui se passe. Je suis assez comblée et en même temps, j’ai très faim, j’ai très soif. La Comédie Française m’a appris le travail: jouer, jour après jour. Je suis autant énervée quand un soir « ça a marché » et quand un autre justement « ça n’a pas marché ». Je trouve ça beau chaque soir de se remettre à l’ouvrage. Ce n’est pas magique, le théâtre, mais on travaille. »
En cette fin d’année 2016, ce n’est justement pas le travail qui manque puisque Georgia Scalliet répète Le Temps et la Chambre de Botho Strauss aux côtés de Jacques Weber, Wladimir Yordanoff, etc., mise en scène par Alain Françon et représentée à partir du 6 janvier prochain au Théâtre de la Colline.
Tout en se préparant à reprendre le rôle de Célimène dans Le Misanthrope en alternance avec Adeline d’Hermy. A ce propos, elle déclare en souriant : « Je ne peux pas faire la même chose qu’Adeline. Je suis déjà beaucoup plus lente dans mes déplacements (rires). Le travail de Clément Hervieu-Léger, tout comme celui d’Alain Françon nous place vraiment au cœur de l’humain. Il a sa relation avec Adeline et sa relation avec moi. »
Interprète sensible et lectrice passionnée
Présente à la fois dedans et hors les murs du Français, la jeune trentenaire confesse sa passion du théâtre, de l’esprit de troupe et en même temps du temps à soi, celui de la lecture.
Le lendemain soir, au dernier étage de la Comédie Française, elle nous lit avec cette émotion qu’elle reconnaît inséparable de son propre caractère, passionné et à fleur de peau, des extraits choisis de son auteur de chevet, Botho Strauss.
On découvre ainsi en même temps qu’un auteur qui compte (au passage, très belle « lettre de mariage » extraite de Personne d’autre), une interprète sensible et une lectrice passionnée :
« C’est grâce à Alain Françon que je découvre Botho Strauss. (…) Réflexions sur le monde, étincelles de rencontres, prose poétique, voyages à travers les temps, les lieux, les êtres. Ma lecture est un petit patchwork sans queue ni tête. Quelques uns de mes morceaux préférés récoltés pour vous. Toute débutante que je suis au pays de son œuvre, puissent ces mots vous rencontrer comme je les rencontre. »
A la Comédie Française, pour la saison 2016/2017, on retrouvera Georgia Scalliet dans les rôles (en alternance) de Lisette (La Double Inconstance) et Célimène (Le Misanthrope),salle Richelieu. Elle est à retrouver également du 6 janvier au 3 février 2017 dans la pièce de Botho Strauss, Le Temps et la Chambre au Théâtre de la Colline.
Anne Delaleu
Beau témoignage, et joli parcours d’une belle et bonne interprète !