Critique cinéma : Chez Nous de Lucas Belvaux
Voici un film qui tombe à point nommé, juste avant l’échéance des présidentielles 2017 et ce n’est bien évidemment pas un hasard, comme le confesse son réalisateur Lucas Belvaux, à l’issue d’une projection privée. Un film qu’il faut à tout prix voir, que vous sachiez pour qui voter ou non.
Il y a quelque chose de très précis, de très sérieux et de très documenté derrière ce film.
Le point de départ ? « Après Pas son genre (avec Emilie Dequenne et Loïc Corbery), qu’on tournait lors de la campagne électorale de 2014, on avait vu les sondages du FN bondir à 30%. Je me suis alors demandé pour qui votait ma coiffeuse, incarnée à l’écran par Emilie Dequenne. »
A travers le prisme de la fiction, Lucas Belvaux décide alors d’aller plus loin ici qu’un simple documentaire. Il s’entoure dans l’écriture d’un auteur de série noire, Jérôme Leroy, qui a écrit en s’étant lui-même beaucoup documenté sur ce qu’il a baptisé « Le Bloc Patriotique ». Son appartenance aussi à la région du Nord que connaît bien Lucas Belvaux reste un élément important pour ce dernier.
« Le travail a duré deux ans. Il fallait comprendre toutes les dernières mutations de ce parti politique, à travers des livres, des journaux mais aussi des archives très nombreuses laissées à disposition par Internet. »
« Un film qui regarde le pays droit dans les yeux »
Le résultat, derrière cette histoire de manipulation d’une jeune infirmière par le parti d’extrême-droite qui exploite sa bonne popularité auprès des habitants de sa ville, en même temps que sa fragilité personnelle (elle élève seule ses enfants), est une œuvre cinématographique, à bien des égards, passionnante.
Il est vrai que l’on s’identifie très facilement à cette jeune femme, heureuse de s’investir dans la vie politique locale. Le trait n’est jamais forcé et la jeune femme n’a rien de la bécassine que l’on pourrait croire.
Elle tombe amoureuse d’un homme au passé trouble (Guillaume Gouix remarquable de retenue). Une façon également de dévoiler tous les visages de ce FN que l’on ne nomme jamais et auquel on pense tout le temps, notamment grâce à la remarquable prestation de Catherine Jacob, glaçante dans sa volonté d’imposer son parti à ses électeurs, d’une façon diaboliquement policée.
André Dussollier, médecin à l’apparence respectable, est cet autre visage du FN, tout aussi glaçant car il y a derrière toute cela une soif inextinguible du pouvoir, une absence totale d’humanité. Derrière un sourire affable et une bonne bouteille de vin rouge habilement débouchée.
L’intrigue, haletante, nous permet ainsi de discerner avec une grande justesse psychologique le parcours de chaque personnage. Ainsi le propos du film n’est jamais didactique. « Au spectateur de trouver ses propres solutions », explique Lucas Belvaux.
Saluons enfin la très belle photographie du film et l’importance de son identité géographique pour le réalisateur. « Depuis mon premier film, j’accorde beaucoup d’importance aux paysages et à l’histoire des régions. Le territoire raconte quelque chose, comme ici ces obus qui sortent du sol. »
Chez Nous De Lucas Belvaux Scénario de Lucas Belvaux et Jérôme Leroy Sortie nationale le 22 février Avec Catherine Jacob, Emilie Dequenne, André Dussollier, Guillaume Gouix… Merci à Jean-Luc Brunet de CINE + de m’avoir conviée à cette rencontre-débat passionnante ! Et pour justement en savoir plus sur la rencontre, cliquez ici !