Critique cinéma : The Drummer and the Keeper de Nick Kelly
Parmi mes coups de cœur « made in Dinard 2018 », le très beau premier film du réalisateur irlandais Nick Kelly. Pour la petite histoire, j’ai aussi eu la chance de rencontrer ce dernier à cette occasion et de l’interviewer de façon inhabituelle, à savoir, en marchant d’un pas empressé dans les rues de Dinard.
Purement irlandaise, cette comédie, mettant en valeur l’amitié masculine dans tout ce qu’elle peut avoir de fort et de surprenant, se déroule principalement à Dublin et ses alentours. Dès la première image, le spectateur est pris à la gorge, avec cette scène peu orthodoxe où le jeune héros Gabriel (incroyable Dermot Murphy, Bohemian Rapsody), cul nu, sur une plage, brûle un canapé, geste incompréhensible mais qui laisse clairement entrevoir la souffrance qui le dévore de l’intérieur.
Gabriel, aux tendances suicidaires, souffrant d’une bipolarité inquiétante à la suite du décès de sa mère, lâché par sa propre famille mais aussi par les musiciens de son groupe de rock (où il est batteur) doit accepter pour s’en sortir d’intégrer une équipe de foot composée de joueurs autistes et suivre un traitement médicamenteux de cheval. Il y rencontre le surprenant gardien de but, Christopher (génialissime Jacob McCarthy !), souffrant du syndrome d’Asperger et déterminé à devenir son meilleur, ce qui n’emballe pas forcément l’intéressé, de prime abord…
Nick Kelly s’est personnellement investi dans ce film qu’il a écrit, dirigé et produit. Il s’est inspiré de sa propre expérience de musicien et de son engagement associatif auprès des personnes autistes (son propre fils est atteint du syndrome d’Asperger). On sent ainsi combien cette expérience humaine riche a permis à ces différents univers (celui de l’autisme, celui de la musique, de l’accompagnement médical) de s’imbriquer parfaitement et toujours de façon réaliste dans son film.
L’amitié est la solution
Le message que ce film (qui a pris sept ans à se monter) délivre est particulièrement fort : l’amitié de deux personnes en souffrance peut accomplir des miracles. Mais encore une fois, ce qui est important pour le réalisateur, c’est que le dénouement conserve une note réaliste. Dans cette nouvelle vie, choisie par les deux protagonistes, il y aura encore, inévitablement des hauts et des bas.
L’humour est constamment imbriqué dans ce récit émotionnel fort. Il permet les respirations de ce film psychologiquement intense mais aussi de constamment alimenter l’empathie que nous éprouvons pour ces deux personnages, à l’écriture dramatique singulière.
Réalisateur d’un court-métrage récompensé en festivals et travaillant dans la publicité, Nick Kelly est obsédé par la force de l’image et de l’idée qu’il souhaite lui associer. En évoquant son travail avec les acteurs, il nous avoue, après avoir consacré sept mois au casting, qu’il à choisi de leur laisser une totale liberté dans le jeu. Il leur a toutefois permis de découvrir l’univers de l’autisme et de ses soignants, en créant également de réelles interactions avec ces personnes dont certains ont participé au tournage.
La performance de Jacob McCarthy qui incarne le gardien de foot autiste est tout simplement bluffante. J’ai moi-même cru en sortant du film qu’il était atteint de cette maladie. Parce que Nick Kelly connaît son sujet, la maladie n’est jamais traitée de façon irrespectueuse ou grotesque.
C’est un film au message très fort qu’il nous a été donné de voir à Dinard et nous lui souhaitons une prochaine distribution en France, car comme en témoigne le succès de ce film auprès de chaque festival en Europe où il a été montré, c’est un sujet qui touche chacun de nous, dans notre propre rapport à l’amitié, la maladie et à la famille.
Nick Kelly est réalisateur, scénariste et compositeur. Il a réalisé plusieurs courts (Shoe, Why the Irish dance that way, Delphine) et obtenu plusieurs récompenses et nominations en festivals internationaux. The Drummer and the Keeper est son premier long métrage.