A côté de Proust
Revu et corrigé, Le Côté de Guermantes de Proust selon le cinéaste et écrivain Christophe Honoré, est une vraie déception malgré toute la foi dont la troupe de la Comédie-Française fait preuve sur l’immense plateau du Théâtre Marigny.
Eh oui, selon moi, Christophe Honoré est passé complètement à côté de Guermantes et de son auteur, si vous me permettez ce jeu de mots assez basique. J’ai eu la chance de suivre, dans une autre vie d’étudiante à la Sorbonne, les cours de Jean-Yves Tadié, spécialiste de Proust et d’apprécier toute la subtilité et l’humour de l’écriture proustienne.
Je garde aussi bien en mémoire une lecture d’extraits de Proust par Xavier Gallais. En hommage également à mon grand-père qui ne jurait que par Proust, je puis ainsi dire qu’il y avait matière à rendre le texte intelligible et le sous-texte mondain savoureux.
Ce n’est guère le cas, ce vendredi 9 octobre, sur le plateau du Marigny où la Comédie-Française a élu domicile durant la période de travaux de rénovation de la salle Richelieu, place Colette.
Une sorte de parfait « anti-Marcel Proust », blond et candide (Stéphane Varupenne), pénètre dans l’univers très VIP de la noblesse parisienne de la Belle-Epoque, les Guermantes. Il a un gros « crush » pour la duchesse de Guermantes (Elsa Lepoivre, qui sait parfaitement défendre son rôle), prend sa guitare électrique (?!) et nous joue, en compagnie de Sébastien Pouderoux des airs des seventies (?!). Comme pour mieux nous faire prêter l’oreille au texte de Proust que l’on n’entend décidément pas, les personnages sont accompagnés d’un perchman qui, comme au cinéma tend à amplifier le son.
Un grand écran projette des moments personnels importants pour le jeune Marcel (dont la fameuse scène de la mort de sa grand-mère). Oui, mais voilà, où sommes-nous au juste ? Au cinéma, au théâtre ? Dans le salon ou sur le palier des Guermantes ?
« Esprit de Marcel Proust, es-tu là ? »
Les comédiens, joyeux, comme des enfants dans une cour de récréation laissée sans surveillance, jouent jusqu’à plus soif l’entre soi. Et bien sûr, le spectateur ne tarde pas à se sentir exclu.
Petit bémol positif, les costumes ! Réalisés par les ateliers de la Comédie-Française, ils sont magnifiquement portés malgré leur anachronisme revendiqué (sic).
J’ai été sensible également ce soir-là à la reprise au pied levé par Clément Hervieu-Léger du rôle de la Marquise de Villeparisis, sans costume et texte à la main, tenu par Dominique Blanc, absente car identifiée « contact Covid ». Devant pallier à l’urgence de la situation, il a suivi ses propres instincts de comédien et de metteur en scène et apporté une vraie sincérité de jeu.
En y repensant, je trouve particulièrement savoureux cet extrait de la lettre de Christophe Honoré adressé en mai dernier à ses comédiens : « (…) Ce mot d’adaptation me semble ne promettre qu’une prise de pouvoir déplacée, convenue et bien solennelle. Soyons plus sentimentaux, plus scrupuleux. Je ne vous propose pas une adaptation mais une séance de nécromancie, il me semble que le théâtre est un lieu où l’on peut sérieusement faire tourner les tables. »
Pour ma part, j’ai simplement tenté vainement de faire tourner mon fauteuil…
Le Côté de Guermantes D’après Marcel Proust Adaptation et mise en scène de Christophe Honoré Avec la troupe de la Comédie-Française. Du 30 septembre au 15 novembre 2020. Durée : 2 h 30 Crédits photo : Jean-Louis Fernandez - La Comédie-Française Réservation : 01 44 58 15 15 – www.comedie-francaise.fr