Chronique: Le Salon du Livre 2017 « Mes temps forts (à moi) »
Vous parler du Salon du Livre, c’est un peu comme choisir de vous parler de la vie en général, c’est-à-dire qu’il y a tant de trésors à découvrir qu’il est impossible de vous parler de tout à la fois. Tant de rencontres, de livres intrigants, de débats animés, d’éditeurs passionnés, de lecteurs assoiffés de dédicaces et d’échanges avec les auteurs. Ainsi, j’ai choisi de vous raconter mes « temps forts à moi » de cette édition 2017.
Vendredi 24 mars
10h15. Je viens tout juste d’apprécier le fait qu’entrer au Salon par la porte des « professionnels », mine de rien, fait gagner un sacré temps. Bref, je démarre ma visite par la rencontre professionnelle avec les spécialistes du métier du marketing. Un métier en pleine expansion qui nécessite à la fois des compétences techniques (marketing et commerciale), des compétences de gestion, des compétences relationnelles et des compétences en management. Mais selon Nicolas Watrin (Flammarion, J’ai Lu, Autrement), le nerf de la guerre c’est avant tout d’avoir la passion des livres pour « vendre » de la meilleure façon son livre aux libraires, aux attachés de presse, aux équipes marketing.
Il y a une saisonnalité dans ce métier : En janvier, c’est la rentrée littéraire ; février est un mois plutôt creux ; mars, c’est le mois du Salon du livre et qui annonce aussi ce long tunnel vers l’été (un moment d’achats de livres important), avant les fameux mois d’août et septembre (seconde rentrée littéraire) puis le mois de décembre où l’on habille les best-sellers aux couleurs de Noël. Il faut savoir que le livre est le cadeau de Noël le plus offert. Le choix de la couverture du livre est aussi un élément important pour l’équipe marketing. « En bref, il faut tout mettre en place pour créer une rencontre entre un livre et son lecteur. »
« Le nerf de la guerre des métiers de promotion du Livre : la passion de la lecture »
Après avoir flâné dans quelques stands du Salon, je retourne assister à une nouvelle rencontre professionnelle sur les métiers de la communication/promotion dans le secteur de l’édition. Ont été conviées ici des directrices de communication et des responsable des réseaux sociaux. Il est amusant de constater que le métier semble essentiellement féminin, à en voir les personnes invitées pour en parler.
C’est un métier en contact permanent avec le service éditorial et le service commercial. Il n’y a pas de journée type mais ce qui est sûr c’est que les réunions pour récupérer un maximum d’infos sur le livre à promouvoir sont légions.
La directrice de communication d’Actes Sud ajoute que c’est un métier chronophage, « à flux tendu du 15 août au 15 juillet ». Si l’on n’aime pas les livres, ce n’est même pas la peine d’essayer ce métier car lire fait partie du quotidien, y compris les week-ends où il y a les salons, les festivals, les rencontres avec les auteurs.
Il y a différents publics (les journalistes, les attachés de presse, les libraires, les lecteurs) et il faut essayer d’être présents sur tous les fronts, savoir qui l’on va rencontrer et de quoi on va lui parler. Ces femmes dont la passion du livre est palpable, ont chacune un parcours professionnel distinct. Mais toutes reconnaissent qu’il est d’abord question ici de parler du livre avec sincérité, pour mieux transmettre une conviction.
Samedi 25 mars
Début d’après-midi. On prend d’abord le temps d’errer d’un stand à l’autre même si en ce samedi, il y a nettement plus de monde que la veille. Il y a de tout au Salon du Livre : un politicien vendant son livre, des blogueurs avides de rencontres, que l’on croise dans une allée, des files d’attente impressionnantes pour quelques secondes de rencontre avec l’Auteur qui gribouillera trois mots sur son livre acheté avec fièvre par son lecteur. On peut y découvrir une belle exposition photos consacrée à l’écrivain et aventurier Jack London, manger des moules-frites, goûter à des fruits déshydratés ou même prendre un thé à la menthe sous une tente marocaine dressée pour l’occasion, car le Maroc est cette année le pays à l’honneur du Salon du Livre. Son stand est une belle forteresse de livres malheureusement trop bondée pour que l’on puisse lancer l’assaut. De nombreux écrivains, détenteurs du Prix Goncourt sont présents à l’appel pour rencontrer leur public.
Chaleureuse rencontre entre potes : Daniel Pennac et François Morel
Dans l’espace « Scène Littéraire », des rencontres « auteurs – public » sont organisées tout le long de chaque journée du salon. Celle de Daniel Pennac et de François Morel retient (forcément) mon attention. La rencontre est orchestrée par leur vieil ami et complice, le journaliste et comédien Olivier Broche.
Ce dernier s’empêtre un peu dans sa longue présentation du parcours de ses deux invités. Et s’en excuse immédiatement. Il faut avouer que l’exercice n’est pas évident. Mais au fond, c’est une conversation entre potes à laquelle nous assistons.
Impossible donc de vous la résumer si ce n’est peut-être que Daniel Pennac confesse son fort plaisir d’écrire des histoires mais fait la chasse aux expressions toutes faites comme « Je reviens vers vous ». La liste est longue à entendre l’écrivain et ancien professeur de Français. « Je suis dans ce plaisir d’écrire qui ne regarde que moi. J’aimerai bien que la critique s’intéresse à l’écriture mais elle ne s’intéresse qu’à son idéologie. » François Morel raconte avoir découvert et dévoré tous les livres de Daniel Pennac dès les années 1990 : « c’est un plaisir de lecture inouï ! »
Les univers d’écriture, les interrogations d’écrivains de ces deux complices séparés uniquement par une quinzaine d’années sont tels que François Morel lance avec malice un « Daniel Pennac est mon nègre ! ».
Il est vrai que la lecture de l’une de ses célèbres chroniques radio « J’étais pas né » est particulièrement réjouissante et fait immédiatement penser aux questionnements de Pennac sur le temps.
A propos de l’écriture de ses chroniques, François Morel, retrouve immédiatement sa modestie maladive : « Je fais des miniatures, des chroniques, des chansons qui durent trois minutes maximum, pour ne pas trop vous ennuyer. »
L’écriture d’une chronique est pourtant loin d’être simple. Il s’agit de parler de l’actualité en trouvant un angle, provoquer une émotion, un regard sur la société. « Etre le plus proche de ce que je suis, moi. Mes auditeurs finissent par me connaître, déclare François Morel, en guise de conclusion.
« Au cœur du polar : une passion commune »
Une heure plus tard, nous avons l’occasion d’assister à une rencontre tout aussi passionnante entre deux auteurs de polars réputés, Philip Kerr et Victor del Arbol. Malgré les différences de langue et de culture, et même de façon d’écrire leurs personnages, tous deux semblent profondément d’accord sur l’essentiel : le plaisir de revisiter l’Histoire à travers le genre du polar.
Chacun pourtant nourrit son personnage différemment. Philip Kerr aime particulièrement le fait de développer au fil du temps son personnage récurrent Bernie Gunther, en se nourrissant essentiellement de lui-même, vieillissant. « Les héros qui ont un côté sombre et font des erreurs sont beaucoup plus intéressant à écrire. Le lecteur aime ces personnages imparfaits, d’autant qu’ils s’en sentent plus proches.
De son côté, Victor del Arbol a besoin de se renouveler d’un roman à l’autre. Il confesse tenir un cahier de notes par personnage. « Plus important que l’action chez mes personnages, ce sont leurs motivations ! Je suis un humaniste. Je cherche les blessures de chacun de mes personnages, j’aime leurs silences ou parler des vaincus. »
« La période nazie est un des événements les plus importants au même titre que la Réforme. Ce sont des événements fascinants car on continue d’en vivre les fruits, en quelque sorte. A bien y songer, le premier « Brexit » n’est pas celui qu’on croit. Il s’agit de celui de 1536 quand Henri VIII a choisi de quitter l’Europe catholique. Il est regrettable que tous nos politiciens, des hommes formés pourtant à Oxford et que l’on suppose brillants, ne soient pas aussi des historiens. Mais de toute façon, personne ne cherche à apprendre de l’Histoire… », de conclure Philip Kerr, fataliste.
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