Critique cinéma : Sing Street #Dinard2016
Amplement méritées sont les nombreuses récompenses que Sing Street a raflé samedi soir dernier à l’occasion de la 27ème édition du Festival du Film Britannique de Dinard. Son réalisateur John Carney est un spécialiste du film musical, ayant également signé la réalisation de petits bijoux tels que Once mais aussi New York Melody (avec Keira Knightley et Mark Ruffalo).
« Sing street » est le nom du groupe formé par le jeune héros Connor, 15 ans, dans le début des années 80. C’est aussi un clin d’œil phonétique au collège public « Synge Street » de Dublin dans lequel bien malgré lui, il est obligé d’intégrer.
La grosse réussite de John Carney ici tient dans le fait que le cadre socio-historique de son film est particulièrement identifié et réaliste. L’intrigue, inspirée de la propre adolescence de Carney, se déroule dans le Dublin des années 80, victime de la récente récession économique de 1979. Les parents de Connor n’ont plus les moyens, comme beaucoup d’Irlandais de l’époque, de mener le même train de vie qu’autrefois. Connor, habitué au cocon des collèges privés va devoir subir beaucoup d’humiliations dans ce nouveau collège aux règles de vie drastique.
Mais une fois de plus, on retrouve cette merveilleuse idée dans les films de Carney, que l’Amour et la Musique viennent transcender ce quotidien (en l’occurrence ici assez sordide). Pour l’amour de la plus belle fille du quartier, Connor va devoir constituer un groupe de rock et enregistrer ses premiers morceaux. Une manière aussi de se protéger de ce nouveau cadre de vie peu accueillant, en se recréant une famille d’adoption (la sienne volant un peu en éclats, du fait de l’annonce de la séparation de ses parents au début du film).
« Le nouveau petit bijou de comédie so British »
En plus de l’impressionnante recherche musicale que ce film a nécessité (les morceaux du groupe ayant été composés pour l’occasion en respectant l’époque et son style), Carney continue d’explorer les thèmes de la création « in progress » et du statut d’artiste « non professionnel ». En effet, les jeunes comédiens du film ont été choisis après plusieurs mois de « casting sauvage » car il était important voire primordial pour le réalisateur que leur jeu ne soit pas formaté par une école spécifique.
On est ainsi d’autant plus frappé par le talent de ces jeunes comédiens que c’est aussi leur première apparition à l’écran. Ce qui intéresse ainsi Carney, c’est de respecter au mieux cet âge transitoire qu’est l’adolescence. On le voit même avec beaucoup d’amusement combien les jeunes héros se cherchent (y compris du point de vue vestimentaire).
L’humour, le romantisme, l’esprit « bande de copains » n’en font pas seulement un film « mignon » mais bien dans l’écriture de son intrigue, une comédie originale, au message fort, à la hauteur des comédies à succès telles que Billy Elliot.
L’écriture psychologique permet ici une empathie très rapide et pugnace envers les protagonistes du film tant du côté des adolescents que de leurs parents. Fidèle à l’esprit de l’époque, le film nous montre que la communication entre adultes et enfants est quasi nulle. Les enfants se regroupant entre eux, face à des parents sous la coupe d’une crise économique puis personnelle très violente, les empêchant d’éduquer leurs enfants, se retrouvant alors plongés dans l’âge adulte de façon prématurée.
Œuvre très personnelle et sensible « Sing street » nous plonge dans un Dublin dépressif qui contraste avec l’énergie et la créativité de la jeune génération de l’époque, férue de culture pop britannique. Londres est alors une sorte de phare éclairant les jeunes Irlandais désireux de vivre une autre vie, connaître un nouveau souffle.
A l’image de ce film qui est une véritable bouffée d’air frais, il ne faut pas hésiter à faire le « grand plongeon » en salles obscures pour déguster toutes ces « good vibes » aussi bien orchestrées… Revigorant.
Sing Street de John Carney Avec Ferdia Walsh-Peelo, Lucy Boynton... Sortie en salles le 26 octobre