En 1946, dans un Berlin occupé par les Américains, Steve Arnold (Francis Lombrail), dépêché pour interroger le brillant chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler (Michel Bouquet), fortement soupçonné d’avoir collaboré avec les Nazis, s’est juré de lui faire la peau… A tort et à raison, de Ronald Harwood combine suspense et grande qualité d’interprétation, en ce moment au Théâtre Hébertot.

Ce n’est pas un simple interrogatoire policier qui se joue ici sous nos yeux, sur la scène du Théâtre Hébertot, chaque soir depuis décembre dernier. C’est un duel prenant, déséquilibré, accompagné d’une écriture psychologique pleine d’ambiguïté et d’une interprétation fougueuse de la part de chaque comédien.

Il y a tout d’abord ce personnage de commandant américain, Steve Arnold, incarné ici avec une grande justesse par Francis Lombrail, en constante révolte. C’est un véritable fauve lâché dans l’arène qui n’a qu’une idée en tête: trouver toutes les preuves pour arrêter le brillant chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler (Michel Bouquet, immense ; on vous l’accorde, c’est un pléonasme !), fortement soupçonné de collaboration avec Hitler.

Face à lui donc, ce brillant artiste, qui au fil de l’affrontement va révéler ses zones d’ombres mais aussi son humanité. Qu’est-ce qu’un grand artiste vivant sous la dictature se doit de faire ? Comment ne pas capituler face à l’ennemi pour sa propre survie ? Michel Bouquet nage en eaux troubles, comme il sait si bien le faire. Comme son interlocuteur, déterminé à lui faire avouer l’inavouable, Furtwängler ne lâche rien. Son rugissement en fin de pièce rappelle le combat de fauves acharné qui se déroule sous nos yeux.

Haletant et sans aucun manichéisme

Il eût été facile de tomber dans le manichéisme de cette situation d’affrontement : un personnage prédominant sur l’autre par la supériorité historique de sa situation ou par la force de la vérité qu’il veut défendre.

Toutefois, et c’est ce que nous révèle le titre, où est vraiment la vérité dans tout cela ? A qui se fier réellement ? L’écriture d’Harwood (scénariste du film Le Pianiste) sème peu à peu le doute, tout en mettant progressivement à nu la désespérante solitude de ces personnages proches de l’univers de Tennessee Williams.

Le décor est celui d’un bureau d’officier américain, une sorte de campement improvisé, prêt à recueillir, comme le public ici captivé, les moindres confidences des personnages qui viennent y défiler. Sur le plateau du Théâtre Hébertot, le décor de cette époque trouble, assoiffée de vérité, est minutieusement reconstitué. La lumière, les accessoires, le décor, tout concourt à une atmosphère particulièrement chargée et orageuse.

Au fond, il y a cette montée de la tension mais aussi de « l’attention » qui fait tout le sel de cette pièce dont on ressort captivés voire très émus.