Critique théâtre: Le Lauréat
D’abord, il y a un scénario, puis un film. Puis une adaptation théâtrale (souvent cela se passe à l’inverse) et enfin, en ce qui nous concerne, une adaptation française (ici signée Christopher Thompson). Il y a même eu une chanson emblématique, signée Simon and Garfunkel. Le Lauréat, c’est tout ça en ce moment sur les planches du Théâtre Montparnasse et plein d’autres choses bien sûr.
Il y avait donc beaucoup de défis à relever pour cinquante ans plus tard après sa création cinématographique rendre cette histoire toujours surprenante et captivante à la fois, drôle à certains moments, dramatique à d’autres.
Anne Parillaud incarne avec beaucoup de force dans le détachement, la fausse fragilité, cette mante religieuse qu’est Mrs Robinson face à sa proie le jeune Benjamin, fraichement diplômé, beau, jeune, désemparé face à cet avenir trop radieux, trop formaté, rêvé par ses parents et son entourage et qui l’attend inexorablement après les vacances. Il y a beaucoup d’humour notamment dans cette première scène qui les réunit.
Mais tout l’intérêt de cette intrigue est que les apparences psychologiques de ces deux protagonistes sont trompeuses. Mrs Robinson n’est pas si détachée et prédatrice qu’il n’y paraît, et Benjamin n’est pas si démuni non plus. Un jeu de séduction, de rôles s’opère entre eux et l’écriture de cette adaptation française souligne à la fois la dimension freudienne sous-jacente et l’humour de certaines situations ou répliques.
Arthur Fenwick joue avec beaucoup de talent ce jeune personnage en pleine réflexion sur son avenir, apeuré et fasciné à la fois par Mrs. Robinson. Son jeu souligne l’extrême jeunesse du protagoniste, la complexité et la variété de ses sentiments, sans jamais tomber dans la caricature. Le décalage d’âge entre les deux protagonistes est plus accentué ici que dans le film et en souligne d’autant plus la situation progressivement toxique de cette relation.
Celle entretenue entre Benjamin et Elaine, la fille de Mrs Robinson en ressort d’autant plus pure et légitime. La dimension romantique n’est pas là où on l’attendait et c’est tant mieux. Les personnages secondaires sont également savoureux, empêtrés dans leurs convictions sociales et cette situation qui les dépasse. La pression sociale souterraine tout au long de l’intrigue est ici traitée avec beaucoup d’humour.
Les décors facilement malléables servent l’histoire avec beaucoup d’efficacité. Le recours à la projection à de nombreuses reprises est un clin d’œil réussi à la version cinématographique et ouvre l’espace de représentation mentale. Sans parler du choix musical très pertinent pour renforcer l’univers sixties américaine en pleine révolution socio-culturelle.
Le Lauréat est un délicieux cocktail de comédie, de romance et de drame spécialement mixé pour une consommation théâtrale sans modération….
Le Lauréat Avec Anne PARILLAUD, Arthur FENWICK, Marc FAYET, Françoise LÉPINE, Jean-Michel LAHMI, Adèle BERNIER Adaptation Terry JOHNSON Version française Christopher THOMPSON D'après le roman de Charles WEBB Scénario de Calder WILLINGHAM & Buck HENRY En accord avec Studio Canal Production originale à Londres et Broadway de John REID & Sacha BROOKS Mise en scène Stéphane COTTIN Décor Catherine BLUWAL & Stéphane COTTIN Costumes Chouchane ABELLO-TCHERPACHIAN Lumières Marie-Hélène PINON Vidéo LÉONARD Assistante à la mise en scène Victoire BERGER-PERRIN
Depuis le 8 février 2018
Soirées Mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi à 20h30 Matinées Samedi à 17h30 jusqu'au 24 mars inclus et dimanche à 15h30