Critique théâtre: La Louve
Écrite et mise en scène par Daniel Colas, La Louve, à l’affiche actuellement du Théâtre La Bruyère, nous tend un bien fascinant miroir. Celui de l’époque méconnue du jeune et fougueux François Ier dont l’accession au trône ne fut pas une mince affaire. Mère de ce grand roi en devenir (éblouissant Gaël Giraudeau), Louise de Savoie (magistrale Béatrice Agenin) fait et défait les intrigues de cour. Un casting cinq étoiles au service d’un récit mené tambour battant.
1515, non, la bataille de Marignan ne fait pas encore rage. François d’Angoulême n’est pas encore roi de France. Sa mère, Louise de Savoie, surnommée « La Louve » veille au grain pour que son fils accède enfin au trône. Souffrant, le roi Louis XII vieillissant, vient pourtant de se remarier avec la belle et jeune Marie, princesse d’Angleterre, dans l’espoir de voir sa propre descendance le remplacer sur le trône de France quand le moment sera venu.
Mais la jeunesse et la fougue de François, la beauté et l’ambition de la nouvelle reine de France (Coralie Audret, d’une grande sensualité) mettent à mal les beaux projets de « la Louve ».
C’est un texte fort et riche tant littérairement qu’humainement que nous livre ici Daniel Colas qui plante son intrigue haletante dans un décor historique véridique mais méconnu. La cour de Louis XII, ce roi de France agonisant est un bien étrange théâtre des ambitions de chacun. En témoin, ce grand miroir qui occupe tout le fond de la scène et qui, comme le public, espionne les moindres battements de cœur de ses protagonistes.
De l’Histoire, du Théâtre et de l’Émotion en majesté
La richesse des costumes, le dépouillement des décors et ce très beau clair-obscur rendu par les bougies souvent en mouvement servent avec beaucoup d’efficacité « la petite histoire dans la grande. » Ainsi la mise en scène de Daniel Colas se place au plus près de l’émotion de son récit.
Le propos de celui-ci, entrecoupé d’éclats de rires ou de moments de tension dramatique plus intenses, est finalement intemporel. Malgré souvent des expressions ou des anecdotes d’une autre époque qui font tout le sel de ce texte. Ainsi parmi le public, jeunes et moins jeunes apprécieront sans nul doute cette page d’histoire revisitée avec panache par le théâtre.
Car il s’agit bien ici d’un vrai ouvrage de théâtre, tant dans son intrigue, sa mise en scène que dans son interprétation. Dès les premières minutes, Béatrice Agenin nous captive littéralement dans ce grand rôle de mère « royale », autant fieffée intrigante que contrite en dévotion. Son jeu tout en subtilité nous permet d’en savourer toute l’ironie. Parmi les autres personnages féminins surprenants, citons aussi la jeune reine qui brise tous les cœurs mais aussi Claude (Maud Baecker, très émouvante), la jeune épouse infirme du futur François Ier, qui souffre en silence. Ces personnages féminins, chacun à leur façon, témoignent de l’étrange condition féminine de l’époque, alors soumise à l’unique bon vouloir du mari, du père ou du frère.
Les personnages masculins et leurs interprètes ont tout autant de saveur. Ainsi, on l’a déjà évoqué auparavant, la fougue et le charisme, mêlés d’humour et de naïveté du jeune futur roi de France, ici très bien incarnés par Gaël Giraudeau. Louis XII, tour à tour inquiétant et inquiet personnage, est ici joué avec beaucoup de justesse par Patrick Raynal. Enfin, il ne faut pas oublier les hommes de l’ombre : tel le duc de Suffolk, ambassadeur retors à souhait le jour et amant secret la nuit (Adrien Melin, magnifique) ou le cocasse homme de main de la Louve, le bègue et drolatique Yvan Garouel.
De l’Histoire, du Théâtre et de l’Emotion en majesté, actuellement au Théâtre La Bruyère, je n’en dirai pas plus !…
La Louve De Daniel Colas Mise en scène de Daniel Colas Avec Béatrice Agenin, Gaël Giraudeau, Coralie Audret, Maud Baecker, Yvan Garouel, Adrien Melin, Patrick Raynal... Théâtre La Bruyère Du mardi au samedi à 21h, matinées samedi à 16h et dimanche à 15h30. Réservation: 01 48 74 88 21 Crédits photo: LOT