Critique théâtre : La ménagerie de verre de Tennessee Williams

Au Poche-Montparnasse, c’est la première fois que l’on joue une pièce de Tennessee Williams. Et ce n’est pas n’importe laquelle car c’est elle qui a lancé sa carrière de dramaturge. Dans l’intimité de la salle du Poche, Charlotte Rondelez choisit le fil rouge de la tension dramatique étouffante, émotionnelle et onirique.

Tom Wingfield (Charles Templon), le narrateur, revit avec nous ses premières années où, jeune homme, il vivait avec sa sœur Laura (émouvante Ophélia Kolb), boiteuse et neurasthénique et sa mère Amanda (sublime Cristiana Reali), délaissée par son mari et perdue dans le souvenir de sa gloire passée. Dans cet univers psychologiquement lourd, du fait de l’absence paternelle et des fantasmes auxquels chacun tente de se raccrocher, surgit Jim O’Connor, un collègue de Tom, invité sous l’injonction d’Amanda, obsédée à l’idée de marier sa fille à tout prix.

L’arrivée de ce cordial Jim (Félix Beaupérin), lui-même un peu perdu dans sa propre vanité, vient tout bouleverser. Il est celui qui tend le miroir à la souffrance, l’inadaptabilité, l’hypersensibilité de chacun. Et par ricochet, en est également touché à son tour.

Les décors de cet intérieur réduit, étouffant, moite où les ouvertures sont rares, participent à l’étouffement de l’ensemble. Cristiana Reali compose une femme tour à tour mère affectueuse, mante religieuse, prétendument joyeuse mais bien souvent désespérée, réussissant à laisser entrevoir les fissures, sans jamais les appuyer.

Le rôle du narrateur n’est pas si évident et Charles Templon y confère tout son charisme et sa chaleur. Celui de Jim aussi permet à Félix Beaupérin de composer un personnage secondaire à plusieurs strates, du convive charmant mais un peu prévisible à celui de spectateur mal à l’aise et impacté, heureux de fuir cet univers si désespéré.

Mention spéciale à Ophélia Kolb qui insuffle à son personnage avec beaucoup d’authenticité, une grâce enfantine et poétique, révélant par petites touches, cette « différence », ce mal qui ronge son personnage de l’intérieur.

Beaucoup de poésie et de maestria dans la mise en scène et l’interprétation de cette pièce. Mon premier gros coup de cœur de la saison théâtrale.

La Ménagerie de verre

De Tennessee Williams

Avec Cristiana Reali, Charles Templon, Félix Beaupérin, Ophélia Kolb

Mise en scène de Charlotte Rondelez
Crédits Photo: Pascal Gely.

Théâtre de Poche-Montparnasse

Du mardi au samedi à 21h

Le dimanche à 17h30

http://www.theatredepoche-montparnasse.com/


 

 

Post A Comment