Critique théâtre : Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran – Avignon OFF
Il y avait une émotion toute particulière hier après-midi au Théâtre du Chêne Noir où Eric-Emmanuel Schmitt joue son propre texte dans le cadre du Festival d’Avignon OFF. Avant que la pièce ne débute, le directeur du théâtre, Gérard Gélas, suite à la demande d’Eric-Emmanuel Schmitt en réponse aux récents attentats de Nice, a souligné combien il était de l’ordre du vital que de poursuivre malgré tout les représentations.
Quand le rideau s’est levé, on a senti Eric-Emmanuel Schmitt encore très ému par les paroles de Gérard Gélas. Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, texte écrit en 1999, résonne aujourd’hui hélas avec une singulière acuité. Texte limpide et jaillissant comme l’éclat d’une source pure, il prône la tolérance, la curiosité envers la différence, la religion de l’autre.
Universelle par son propos, la pièce a été jouée un peu partout dans le monde avec des interprètes différents. Aujourd’hui, il s’agit de l’auteur lui-même qui monte sur scène pour incarner ce très beau récit mettant en scène un jeune adolescent Juif, Moïse, délaissé par ses parents (avec toute la violence que cela implique dans l’apprentissage de l’enfant à devenir adulte) et amené à rencontrer Monsieur Ibrahim, l’épicier arabe en bas de sa rue, qui lui révèle, entre deux échanges ou vols de boites de conserves (selon l’humeur du jeune homme) tous les secrets de sa sagesse, héritée de son amour et respect sans limites pour son précieux Coran.
La tolérance comme acte politique
On a l’impression que ce très beau texte, auréolé d’une mise en scène très élégante et poétique signée Anne Bourgeois et auquel s’ajoute la fougue et la passion de l’auteur dans le jeu sur scène, proche parfois de la jubilation enfantine, a été joué ici en Avignon, comme un acte de résistance de la part de l’artiste, bien réel, bien vivace contre la barbarie qui nous encercle, chaque jour un peu plus.
Cette bouleversante histoire de tolérance et d’amitié, de quête d’amour et de lien filial renoué et pansé, se doit plus que jamais d’être jouée aujourd’hui. Il ne s’agit plus ici d’un simple événement culturel à découvrir, dans le tourbillon des spectacles du OFF, mais bien à travers le propos de ce spectacle, un acte politique à prôner, à pratiquer celui de la tolérance.
Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran De Eric-Emmanuel Schmitt Avec Eric-Emmanuel Schmitt Mise en scène de Anne Bourgeois Avignon OFF 2016 Du 6 au 30 juillet 2016 Relâche les lundis 11, 18 & 25 juillet Théâtre du Chêne Noir Salle Léo Ferré – 17h15 www.chenenoir.fr Loc : 04 90 86 74 87