Critique théâtre: Vous n’aurez pas ma haine
Après le Théâtre du Rond Point, Vous n’aurez pas ma haine investit le plateau plus intimiste du Théâtre de l’Oeuvre. L’ouvrage d’Antoine Leiris qui raconte son propre travail de reconstruction (celui d’un père devenu veuf suite aux attentats du Bataclan) est adapté, mis en scène et incarné avec beaucoup de justesse et d’émotion. Chaque soir, Raphaël Personnaz va porter ce texte bouleversant avec tout son cœur et ses tripes d’homme et de comédien.
Victime collatérale des attentats du Bataclan, le journaliste Antoine Leiris a perdu sa femme, c’est-à-dire le principal repère de son existence. Veuf et jeune père esseulé, il se raccroche alors à la vie, dans son quotidien et les besoins les plus stricts de son enfant, Melvil, âgé de dix-sept mois.
La mise en scène d’une grande sobriété et d’une grande pudeur nous entraîne dans ce parcours humain singulier. L’émotion est bien sûr présente à chaque instant mais ce texte nous surprend surtout par la profonde sincérité de sa démarche: revenir sur toutes les étapes de ce drame sans jamais sombrer dans le larmoiement, pour y puiser une force nouvelle.
Le cœur et les tripes
Bien au contraire, le héros de ce récit, ce jeune papa si déboussolé qui choisit de se raccrocher à la vie malgré tout, conserve en permanence sa dignité d’humain. Ce qui n’exclut pas l’humour. Comme le récit de ce trafic de soupes et compotes en tous genres, orchestré brillamment par les mères inquiètes et solidaires de la crèche.
Au piano, la musique composée par Antoine Sahler, souligne les étapes importantes vécues par Antoine.
Benjamin Guillard a su brillamment s’emparer de ce texte qui n’était pas destiné initialement à la scène et jouer avec la dimension intimiste du plateau, tout en tissant des liens très forts entre le texte, son interprète et la musique. Le propos très fort en ressort plus clair que jamais. Raphaël Personnaz met ici, chaque soir, tout son cœur et ses tripes. Il défend ce propos avec le même acharnement que son auteur.
Ce texte si bouleversant semble nourrir l’homme comme le comédien. Une véritable performance.
D’APRÈS LE RÉCIT DE ANTOINE LEIRIS MISE EN SCÈNE BENJAMIN GUILLARD AVEC RAPHAËL PERSONNAZ COMPOSITION MUSICALE ANTOINE SAHLER PIANO LUCRÈCE SASSELLA EN ALTERNANCE AVEC DONIA BERRIRI ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE HÉLOÏSE GODET SCÉNOGRAPHIE JEAN HAAS LUMIÈRE JEAN-PASCAL PRACHT VIDÉO OLIVIER BÉMER DU 2 MARS AU 14 AVRIL 2018 Du mercredi au samedi à 19h et le dimanche à 17H30