Critique théâtre: La Tempête
Shakespeare, de nouveau sur les planches de la salle Richelieu. Un bien beau cadeau de Noël que cette Tempête, concoctée par un Robert Carsen dont la mise en scène ne connaît pas de limites, ni scéniques, ni géographiques (on lui doit en effet de nombreuses pièces en Europe et au Canada). Ici toute la troupe du Français vient humblement se mettre à son service.
Prospero (l’immense Michel Vuillermoz), duc de Milan, destitué, il y a douze ans par son frère Antonio a concocté sa vengeance, en faisant chavirer le navire de son frère et de ses hommes sur une île inhabitée, grâce au concours de l’esprit des airs, Ariel (stupéfiant Christophe Montenez). Fille de Prospero, Miranda (touchante Georgia Scalliet) rencontre Ferdinand (Loïc Corbery), prince de Naples et le coup de foudre est immédiat.
On vous brosse ici sommairement l’intrigue mais bien évidemment, toute la richesse de cette pièce tient dans le foisonnement de ses personnages, de leurs enjeux, de leurs répliques et ici de leur incarnation. Mention spéciale à Christophe Montenez qui nous enchante par la poésie de ce corps élégant, se mouvant de façon décalée, asservi mais pourtant en quête d’affranchissement. Le Trinculo d’Hervé Pierre est plus saisissant que jamais dans le réalisme de son accoutrement de bouffon. Caliban (Stéphane Varupenne), l’esprit sauvage répond, non sans humour en contrepoint au personnage d’Ariel.
Que se passe-t’il vraiment dans le crâne de Prospero qui le poussera au pardon ? Une tempête, certes. Car tel est le parti pris de cette mise en scène très mentale du dernier ouvrage de William Shakespeare: « Tout se passe dans le cerveau d’un homme », explique Carsen qui a mis en scène justement l’intrigue vécue, uniquement par Prospero, par le truchement d’un plateau fermé et quasi nu et d’une projection d’images « comme au cinéma ».
Et si Prospero n’était pas aussi une représentation secrète et cachée de l’auteur lui-même, face à sa propre création (ses personnages, son île, sa tempête) ? L’idée prospère…
La Tempête de William Shakespeare Mise en scène de Robert Carsen En alternance du 9 décembre 2017 au 21 mai 2018 Salle Richelieu Comédie Française Crédits photo: © Vincent Pontet, coll.Comédie-Française