Critique théâtre: La dernière bande de Samuel Beckett – Avec Jacques Weber
Trois grands hommes se retrouvent en ce moment au Théâtre de l’Œuvre. Il s’agit du dramaturge Samuel Beckett, du metteur en scène Peter Stein et du comédien Jacques Weber. Seul sur scène tout au long de la pièce et y compris quand le public s’installe dans la salle, Jacques Weber incarne Krapp, ce clown triste qui (ré)écoute les bandes sonores qu’il a enregistrées au gré de ses anniversaires. Cette fois-ci, il ne lui reste plus qu’une dernière bande…
Il est déjà sur scène quand je franchis la porte de la salle du Théâtre de l’Œuvre. J’imagine qu’il faut beaucoup de concentration de la part du comédien pour ne pas être distrait par l’arrivée progressive des spectateurs.
Soudain, la salle est remplie et on ferme les portes. Le show peut commencer ! Jacques Weber incarne Krapp cet homme vieux, triste, en habit de clown, face à son vieux magnétophone et ses bandes déjà enregistrées.
A chaque anniversaire, il écoute les précédentes bandes. Celle de ses trente ans l’interpelle soudain. Une trentaine d’années les sépare. L’occasion pour Jacques Weber de composer un personnage sur plusieurs années, avec cette voix et ce corps qui évoluent aussi.
La bande sonore, cet autre personnage
Le corps de Jacques Weber est massif et son maquillage le rend méconnaissable. C’est par sa voix, justement que nous allons petit à petit le reconnaître (et reconnaître symboliquement ce « moi » profond du personnage), cette voix qui peut tour à tour être bourrue, agressive et tendre. Le corps de ce clown triste n’empêche pas la pantomime et le gag.
La mise en scène de Peter Stein est délibérément tournée vers le personnage du clown. Une façon aussi de réinterroger notre vie, le temps qui passe, nos choix, bons ou mauvais et de mettre en scène la vieillesse autrement.
On est surpris par l’importance que prend la bande sonore dans la pièce et dans le jeu du comédien. Cette voix plus jeune de Krapp permet un dialogue avec le Krapp vieillissant.
Et comme les puzzles au début éparpillés, celui de la pièce reprend sa forme et son sens à sa toute fin.
Si le texte de Samuel Beckett se révèle assez exigeant, c’est un grand moment de théâtre auquel nous assistons par l’entremise de la mise en scène et de l’ébouriffant Jacques Weber !
La dernière Bande De Samuel Beckett Mise en scène de Peter Stein Avec Jacques Weber Assistante à la mise en scène Nikolitsa Angelakopoulou Décors : Ferdinand Wögerbauer Maquillage et perruque : Cécile Kretschmar Du 19 avril au 30 juin Théâtre de l’Oeuvre. Crédits photo: Dunnara MEAS