Molière, invité d’honneur de la Marquise
L’été est enfin arrivé et c’est dans la magnifique cour du château de Grignan, à la tombée de la nuit, que l’on peut découvrir cette année, Les Fâcheux, pièce rarement jouée de Molière et mise en scène par la comédienne et universitaire Julia de Gasquet. Rencontre nocturne avec celle qui est aussi la nouvelle directrice artistique du Château de Grignan.
« Jouer Les Fâcheux de Molière, au fond, c’est un peu comme danser sur un volcan. », déclare d’emblée malicieusement Julia de Gasquet. Il faut rappeler ici que cette pièce a été jouée à Vaux-le-Vicomte un soir d’août 1661, lors de la tristement célèbre destitution de Fouquet, ministre des Finances, par le jeune Roi Soleil.
« On a choisi de représenter cette pièce surtout parce que c’est une œuvre qui, en 1661, contient déjà tout Molière. On y découvre des vers comme « Qu’est-ce donc, qu’avez-vous ? » ou encore des grandes scènes de jalousie comme dans Le Misanthrope ; la scène de la nuit au IIIème acte comme dans Georges Dandin, les prémisses du Bourgeois-Gentilhomme dans le personnage content de lui qui aime l’art. Et parmi les pièces jouées pour célébrer les 400 ans de la naissance de Molière, il n’y a qu’à Grignan que Les Fâcheux sont joués ! »
Créer l’émerveillement dans un écrin merveilleux
Dans la cour du château, où la lumière joue sans cesse avec la pierre mordorée de la façade, la troupe s’invite pour 40 représentations, jusqu’à fin août. Elle se compose de trois musiciens, deux danseurs et cinq comédiens pour une comédie-ballet qui convie presque tous les arts de la scène (théâtre, musique et danse).
En 1661, c’est un roi très jeune, Louis XIV qui prend le pouvoir. A cette époque, il est déjà très friand de théâtre et danse lui-même (comme le très beau film Le Roi danse de Gérard Corbiau, en 2000, l’a illustré avec Benoît Magimel dans le rôle-titre).
Pour Les Fâcheux, Julia de Gasquet et le chorégraphe Pierre-François Dollé ont suivi à la lettre la partition d’origine signée de Beauchamp, chorégraphe du roi. « Ce que l’on sait moins, c’est que Beauchamp était aussi un grand compositeur », rappelle Julia de Gasquet. « J’ai choisi toutefois que mes comédiens ne jouent pas en déclamation baroque. »
« Dépayser le Grand Siècle »
Sur scène, on est frappé par cette intrigue en perpétuel mouvement, mi-comique, mi-dramatique. Un peu comme dans Le Misanthrope, le héros est sans cesse « empêché ». « C’est la comédie des interruptions », précise la metteure en scène.
Ce qui donne aussi l’occasion pour le spectateur, d’apprécier dans ce mouvement savamment chorégraphié, la beauté des costumes d’époque.
« A travers ce spectacle, nous tenions à prouver que ce que l’on a baptisé « le Grand Siècle » en référence au règne de Louis XIV, ne se résume pas à Versailles ni à quelques grands noms. Le théâtre n’a pas débuté à Versailles. C’est une manière ici de « dépayser » enfin cette conception du Grand Siècle. »
Dans cet état d’esprit, Julia de Gasquet s’est attelé aussi avec le Département de la Drôme et l’EPPC Châteaux de la Drôme, à un projet de musée « sensoriel » dont l’ouverture est prévue en 2024. Il s’agit de s’inspirer de l’histoire du Château, en « convoquant les siècles du passé par tous les sens » : que mangeait-on, que respirait-on, que portait-on ?
Amoureux d’histoire, d’histoire de l’art, de littérature et de sens en éveil y seront ainsi les bienvenus !
Les Fâcheux
De Molière
Mise en scène de Julia de Gasquet
Chorégraphie de Pierre-François Dollé
Dramaturgie de Marie Bouhaïk-Gironès
Direction musicale d’Anne Piéjus
Scénographie de Adeline Caron
Lumières de Nathalie Perrier
Costumes de Julia Brochier
Avec Thomas Cousesau, Julia de Gasquet, Adrien Michaux, Alexandre Michaud, Mélanie Traversier et la voix de François Marthouret
Musiciens : Lena Torre, Juliàn Rincon, Felipe Jones et Danican Papasergio.
Danseurs : Jehanne Baraston
Pierre-François Dollé, en alternance avec Akiko Veaux
Jusqu’au 20 août inclus, à 21h.
Début du spectacle à 21h
Durée : 1h45
Réservation : www.chateaux-ladrome.fr ou au 04 75 91 83 65
Crédits photo, Les Fâcheux : ©Jean Delmarty / ©Claire-Matras