Colin Firth, ma rencontre magique
Colin Firth aime flirter avec le paradoxe. Ce comédien britannique de 54 ans, nonchalamment séduisant et qui a obtenu en 2011, l’Oscar du meilleur acteur pour Le Discours d’un Roi, est à la fois d’une rare discrétion médiatique alors qu’il ne cesse de tourner (et jouer dans des films toujours attendus, qui plus est !). Nous l’avons rencontré récemment dans la suite d’un luxueux hôtel parisien pour évoquer sa collaboration avec Woody Allen dans son dernier film Magic in the moonlight. Une rencontre magique aussi, en quelque sorte…
Pour les connaisseurs, Colin Firth, comédien de théâtre chevronné, a joué dans plusieurs films dramatiques avec beaucoup de talent (A Single Man, Le Discours d’un Roi, Le Patient anglais, etc).
Mais pour le grand public, Colin Firth c’est d’abord Mr Darcy (c’est son interprétation dans le téléfilm produit par la BBC dans les années 90, Orgueil et Préjugés qui l’a véritablement révélé). A tel point que Bridget Jones, l’héroïne d’Helen Fielding (justement librement inspirée d’Orgueil et Préjugés) fantasme dans le roman sur la série de la BBC et sur le personnage de Darcy/Colin Firth.
Colin Firth, justement, dans l’adaptation de Bridget Jones au cinéma accepte de jouer Mark Darcy (ce nouveau clin d’œil à Jane Austen), pour le plus grand plaisir de toutes les midinettes d’Angleterre et bientôt de toute la planète. Voilà pourquoi, il répond un jour lors d’un entretien avec Madame Figaro en 2006 à la question : « Quelles sont les femmes de votre vie ? » par un mémorable « Ma mère, ma femme et Jane Austen.» Mais aujourd’hui, Colin Firth avoue avoir lui-même entendu parler de cette fameuse formule sans pour autant en être l’auteur…
En bref, l’acteur aime bien brouiller les pistes et ça tombe plutôt bien car avec Woody Allen, il a été plutôt servi de ce côté-là. Tout d’abord le fait de se retrouver dans un film de Woody Allen ne s’est pas fait d’un claquement de doigts : « Woody Allen a demandé à mon agent si j’étais libre. J’étais en Italie et j’ai reçu chez moi du jour au lendemain un scénario que je devais rendre tout de suite après ma lecture. Il se trouve que je suis un lecteur plutôt lent et qui plus est, j’aime prendre mes décisions lentement aussi. Mais pour ce scénario, je n’ai pas eu le choix, je l’ai lu très rapidement. »
« J’ai été choisi par Woody Allen pour ma voix »
Après des petits soucis de calendrier, six semaines plus tard, Woody Allen revient à la charge. « Il est plutôt difficile de dire non à Woody Allen et encore plus pour la deuxième fois ! J’ai appris aussi qu’il voulait absolument que ce soit moi qui joue ce personnage à cause de ma voix. Il lui fallait quelqu’un capable de parler avec l’accent anglais des années 20 et non un accent américain contemporain !» Colin Firth saisit alors sa chance et accepte sans hésiter avec pourtant en tête qu’un « vague souvenir du scénario ».
Alors comment travaille-t’on justement avec le maître de la comédie ? Woody Allen est un auteur. Quand on arrive sur le plateau, une grande partie du travail a déjà été faite. Il vous donne l’impression qu’il ne vous reste plus qu’à prendre le relais. Il n’interviendra que si nécessaire. Je m’attendais à des répétitions, des conversations à bâtons rompus sur le personnage et même des blagues ! Je n’ai eu droit à rien de tout cela. Le seul mot d’ordre sur le plateau était « Action ! » En fait, pour savoir s’il avait aimé la scène qui venait d’être jouée, il suffisait de voir toute son équipe remballer immédiatement le matériel. » (rires)
Dans Magic in the Moonlight, Colin Firth incarne un personnage plutôt imbu de lui-même, un magicien réputé dans l’Europe des années 20, Stanley Crawford, qui accepte de confondre la jeune et ravissante Sophie Baker (Emma Stone) dont les activités de spiritisme sont bien surprenantes. L’histoire se déroule sur la Côte d’Azur, décor idéal pour cette intrigue autant romantique que glamour. « Je me suis inspiré du personnage du Misanthrope de Molière pour jouer Stanley. C’est un personnage qui vit aveuglé par quelque chose. J’ai aimé aussi l’idée que même si le personnage évolue d’une certaine façon pendant le film, il reste le même avec ses défauts, jusqu’à la toute fin du film. »
Si l’élégance folle de Colin Firth dans ce film est une fois de plus soulignée, il faut bien avouer que ce personnage de Stanley Crawford est aux antipodes des personnages de héros romantiques incarnés auparavant par Firth.
« Travailler avec le Maître de la Comédie romantique »
Mais au fond, est-ce que Colin Firth aime le genre des comédies romantiques auxquelles il est si souvent abonné en tant que comédien ? « Je vais vous décevoir mais ce genre n’est pas forcément mon genre de films préféré. Même si je reconnais que c’est un genre très difficile à écrire et à réaliser. Woody Allen est vraiment le maitre en ce domaine. C’était donc pour moi l’occasion de travailler avec le Maître. » (rires)
Colin Firth précise alors la façon dont Woody Allen conçoit lui-même le genre de la comédie : « Voici le propos de Woody Allen sur la comédie, et ce n’est pas farce : la vie n’a pas de sens, nous sommes sur terre que pour très peu de temps. Même sa conception de la fin de l’humanité est d’un cynisme dingue : au fond les hommes disparaîtront un jour, comme ça, comme si on tirait la chasse d’eau ! Et tout sera fini pour toujours. On a donc le choix entre déprimer ou se divertir constamment, en pensant à autre chose. Voilà comment sa comédie répond à cette philosophie si noire ! » Le valide-t’il, lui-même, cette théorie de Woody Allen sur la comédie ?– Je ne suis pas aussi sûr que lui de la noirceur de l’univers mais son point de vue, je le valide ! »
Et la magie dans tout ça, que doit-on en retenir ? « Avec mon personnage qui vit dans l’univers de la magie, sans jamais y croire une seconde, c’est très paradoxal. Mais j’apprécie l’idée de sa dernière découverte, la magie des sentiments et cette nouvelle vie qui s’annonce pour lui. Comme un tour de magie qu’il a finalement renoncé à comprendre. »
Non, Colin Firth n’aime pas les comédies romantiques! But of course !…
Magic in the Moonlight de Woody Allen, sortie le 22 octobre au cinéma.