Le Principe d’Incertitude : entre fêlures et étincelles
En dépit de la morosité ambiante et de la cruauté de certaines critiques rarement argumentées, cette rentrée théâtrale réserve de belles surprises. C’est le cas du Principe d’Incertitude de Simon Stephens, mis en scène avec enthousiasme et subtilité par Louis-Do de Lencquesaing sur le plateau du Théâtre Montparnasse. Jean-Pierre Darroussin et Laura Smet y forment un couple inattendu et sans cesse sur le fil. Réjouissant.
Un hall de gare internationale. Il est dans l’ombre, perdu dans ses pensées et assis. Elle est lumière, moulin à paroles et debout. Elle l’embrasse dans le cou. Et voilà, c’est parti !
Rien de plus difficile que de raconter une histoire d’amour de nos jours. Tout semble avoir déjà été dit, raconté et interprété. Qu’à cela ne tienne, Simon Stephens relève le défi, tissant fil après fil cette romance qui pourrait cesser à chaque instant. Et c’est justement dans sa pleine et constante incertitude qu’en découle sa force et son énergie.
Dans ce décor amovible et allenien qui nous transporte à Londres puis New York, le récit se construit sur des dialogues incisifs, acidulés et tendres à la fois. Un cocktail qui fonctionne curieusement à merveille, dans l’allégresse et la fragilité de l’instant.
Sur les planches, une romance inventive et pétillante
Pour ses premiers pas sur la scène d’un théâtre, Laura Smet a choisi judicieusement un rôle qui lui va comme un gant : une quadragénaire lumineuse et pleine de fêlures, tendre et provocatrice à la fois, jurant comme un charretier, avec ce soupçon de glamour anglo-saxon qui lui vient peut-être tout simplement de son expérience cinématographique. Il y a en effet beaucoup des héroïnes de Woody Allen et même de La Fille sur le pont de Patrice Leconte dans ce personnage de Georgie, au doux grain de folie, mère blessée et amoureuse maladroite.
Face à elle, il y a le roc Darroussin, cet Alex, au calme olympien, en apparence seulement.
On serait tenté de dire que Darroussin fait toujours du Darroussin mais c’est passer justement à côté de ce travail très précis et rigoureux du comédien qui s’approprie avec intensité les contradictions, les faiblesses et les étincelles de son personnage. Sa sourde poésie, en somme. Un travail de l’intérieur qui, sur scène comme à l’écran, nous réjouit et toujours fait mouche.
Le prisme ciné, cet ingrédient inattendu
Peut-être est-ce aussi la constante filiation de cette pièce avec le cinéma (à travers son intrigue et ses références, ses acteurs et jusqu’à son metteur en scène, Louis-Do de Lenquesaing, également acteur) que cette pièce a un petit quelque chose en plus ?
Toujours est-il que la mise en scène joue à fond cette note-là, compose ses scènes comme des plans de cinéma, avec une utilisation astucieuse des accessoires qui remodèlent sans cesse le plateau à mesure que l’intimité entre les personnages se renforce.
« Ton calme m’a manqué. Tout est tellement bruyant quand tu n’es pas là. » Cette réplique de Georgie lancée à Alex reflète assez bien au fond l’esprit de cette pièce. Les personnages sont avant tout dans la sincérité, l’un vis-à-vis de l’autre. Il y a une grande délicatesse entre eux, qui se cache derrière leurs saillies ironiques et parfois blessantes.
Inventif, tendre et pétillant. C’est au Théâtre Montparnasse que ça se passe ! Vous voilà prévenus…
Le Principe d'incertitude De Simon Stephens Traduction de Dominique Hollier Mise en scène de Louis-Do de Lencquesaing Avec Laura Smet et Jean-Pierre Darroussin Théâtre Montparnasse Du mercredi au samedi à 20h - matinées samedi à 17h et dimanche à 15h30. Réservation : 01 43 22 77 74 Crédits photos : Fabienne Rappeneau.