Rencontre avec Xavier Lafitte, comédien et dessinateur
A l’occasion de la récente exposition de ses dessins à l’encre de Chine consacrés au Monde Sauvage, dans la galerie de Siméon Colin, rue de l’Arbalète (Paris 5ème), nous avons rencontré Xavier Lafitte, artiste accompli (comédien, danseur, dessinateur et même danseur de claquettes !). Depuis 2014, en parallèle de son métier de comédien, il dessine les animaux en migration, sur chaque côté du cadre, afin de donner une autre vie à l’œuvre en la faisant tourner sur elle-même, au gré du temps.
« L’œuvre est à mes yeux un moyen exceptionnel pour se reconnecter au monde sauvage, en nous invitant à le tourner au fil du temps, au fil de la migration qu’il représente. C’est un concept nouveau que j’ai conçu et qui transforme notre rapport classique à l’œuvre d’art », témoigne l’artiste.
En effet, c’est un concept fort que celui de réinterroger notre propre rapport à l’œuvre d’art, une fois achetée. Ici, celle-ci est conçue pour être tournée, au gré du temps car chaque côté du tableau raconte une histoire bien spécifique, en suivant un calendrier de trois mois, précis. « J’ai eu cette conversation avec Pierre Bergé (le comédien l’a rencontré à l’occasion du tournage de Yves Saint-Laurent de Jalil Lespert dans lequel il jouait, ndlr) : les grands collectionneurs ont besoin de changer d’objet régulièrement dans leur collection d’objets pour éviter que l’œuvre ne meure dans la maison. Pour ma part, j’ai voulu créer des œuvres qui vivent « au mur ».
Aux origines de Calendrier du Monde Sauvage
Pour mieux appréhender la démarche du projet, il faut remonter à 1996 où Xavier Lafitte a fini ses études de commerce et s’apprête à revendre ses livres chez Gibert Jeune : « J’allais rentrer au service militaire. Je venais avec mes bouquins chez Gibert. Et devant moi, il y avait un type qui allait revendre des livres, dont un qui était plus grand que les autres et qui m’obsédait. Il s’est retourné. Il m’a tendu le livre, qu’il m’a par la suite offert. C’était un bouquin de photos sur la migration des gnous et des zèbres. Symboliquement j’ai trouvé ça fort. Et je me suis promis de dessiner ça un jour. »
Il faudra attendre dix-huit ans pour que le projet accouche enfin. « Je me suis mis à dessiner à l’été 2014. « J’ai beaucoup dessiné en 2016, des baleines notamment. Et j’ai rencontré Siméon Colin, artiste et propriétaire de la galerie. Je trouvais que ses dessins d’arbres magnifiques à l’encre de Chine et mes animaux reflétaient parfaitement la biodiversité, à notre manière. C’était important de les exposer ensemble. »
Dessiner les animaux, le retour à la joie enfantine
Pour le dessin de ses animaux, Xavier Lafitte avoue s’inspirer beaucoup des livres et d’Internet. L’héritage de la collection des Larousse de ses grands-parents est une véritable mine d’or pour l’artiste qui en profite pour se reconnecter par le dessin à sa passion d’enfant : « C’était dessiné au trait, à la hachure. J’ai tout récupéré, j’ai tout ça chez moi. Et ça vient de là, mon goût pour ce type de dessin », précise celui qui se considère comme un autodidacte.
« Je ne suis ni lent ni rapide. Je dessine. Et en fait, quel que soit le sujet, je dessine à la même vitesse. Je dessine tout au crayon gris d’abord : je gomme, je réinstalle les éléments, les gros plans, les plans éloignés, les animaux, etc. Après je passe à l’encre ; ce qui revient à un tiers de création et deux-tiers d’encre de Chine. Les petits formats de 50-60 de côté, je mets 20h pour les faire et pour les grands formats, je mets 35h. »
Notre propre rapport à la nature en question
Plus qu’un vain message écologique qu’il souhaiterait ici délivrer, l’artiste nous interroge sur notre propre rapport à la nature. « J’ai perdu espoir dans la collectivité. En groupe, je trouve que l’homme devient bête. Je trouve que collectivement la bêtise humaine prend son essor. Pour revenir à l’écologie, c’est un rapport simple où il y a une personne qui achète un tableau, qu’il va ramener chez lui. Un rapport individuel qui invite à se reconnecter au monde sauvage, donc à soi-même, dans sa simple humanité. Et c’est là où l’on peut agir. Ce travail autour des animaux c’est surtout un travail autour de notre humanité, de notre connexion ou non sur cette nature qu’on est entrain de détruire. »
Face à cet artiste complet, on est en droit de s’interroger sur l’existence de passerelles entre son travail de comédien et celui de dessinateur. « Je viens de la danse. Je fais partie de cette catégorie d’acteurs qui savent bouger. Ce qui est le plus important pour moi, c’est la communication non verbale. Ce qui tombent bien car les bons auteurs écrivent énormément entre les lignes ! J’ai eu la nécessité de toucher un peu à tout, parce que ça me nourrit. Ma façon d’aborder un rôle est comme ça. »
BIO (TRÈS) EXPRESS
Diplômé en 1996.
Service Militaire puis début de carrière artistique avec :
Outrage aux Mœurs, les trois procès d’Oscar Wilde de Moïsès Kaufman (1999) – Théâtre
Gabrielle de Patrice Chéreau (2005) – Cinéma
En la ciudad de Sylvia de José Luis Guerin (2007) – Cinéma
Yves Saint Laurent de Jalil Lespert (2014) – Cinéma
The Servant de Robin Maugham (2015-17) – Théâtre
Transfert de Olivier Guignard et Antoine Charreyron (2017) – TV
L’exposition « La Nature à l’honneur » de Siméon Colin et Xavier Lafitte s’est tenue du 29 novembre au 6 décembre, à la Galerie Cyal, 32 rue de l’Arbalète. Pour plus d’information sur le travail de Xavier Lafitte, comédien et dessinateur : www.xavierlafitte.com/es